La complainte du gars qui gagnait pô


      Il était une fois un gars qui aimait bien jouer avec des bouts de carton. Magic ça s'appelait. Mais son rade avait fermé, et comme il n'était plus étudiant, il n'avait plus trop d'endroits où aller jouer avec ses bouts de carton.

Et puis un jour, il vit une annonce pour un tournoi à la Noria (78) dans un format obscur, l'étendu sans rare. Notre gars se prit une dérouillée, mais il était content, il avait pu sortir ses bouts de carton, et son pote avait remporté la finale, avec à la clé un booster Alliances contenant une FoW.
L'organisateur du tournoi au format obscur proposa aux deux gars de faire un Peasant. Ils crurent de prime abord qu'on leur proposait un plan cul macrobiotique avec des légumes et des chèvres, alors qu'en fait, « Peasant » désigne un format un peu moins obscur, mais encore plus débile : aucune rare, seulement 5 uncos, et une liste de bannissement à faire pleurer les joueurs de T1 (tu préfères quoi, 4 profs un peu gothiques ou 4 manifestations climatologiques solaires ?)

Notre gars se rendit donc au tournoi avec un deck dédaignant ces puissantes magies : Rakdos. Il finit avant dernier. Taïga et Goblin Song, ça reste plus fort que des 2/2 pour 2 manas même pas de la même couleur, qui un jour, peut-être, régénéreront et gagneront +1/+0, voire même +5/+0 quand Goût pour le grabuge voudra bien s'activer.

Au loin, dans les hauteurs, s'affrontaient des decks avec des Mange-Maisons qu'on croyait sorties de Tatooine.

Au tournoi suivant qu'il avait organisé lui-même, il fit un peu mieux avec un deck honteusement pompé sur le net. Le but était idiot : gagner des millions de points de vie. Un deck de pinpin, quoi.

Réitérant l'expérience de l'organisation tournementale (mot qui n'existe pas plus que le format Peasant au regard des Magiciens de la Côte d'Adam) il se distingua lors d'un épisode qui resterait dès lors dans toutes les mémoires. Après de formidables séances de peaufinage, il affronta ses adversaires avec un build sous-optimal traînant de ses pires tests, et comprenant 59 cartes, histoire de partir avec un Card Disadvantage et laisser une chance aux autres.

Après cette vaste blague, l'organisateur qui proposait des plans bizarres cessa de faire sa mijaurée, et consentit à refaire des tournois. Ce fut l'occasion pour notre héros de briller à nouveau avec un paquet qui aurait très bien marché en étendu sans rare, mais qui ne pouvait que se prendre une vieille claquasse en Peasant : Phantom Cloak. Pourtant, il avait goldfishé le deck, qui tuait au tour 5 ou 6... contre 60 forêts.deck
Notre pourtant pas beginner player comprit alors que la disrupt, c'est mal. Pire : les joueurs adverses, c'est le mal.

Le tournoi suivant était bien doté, alors il reprit son deck combo, le tritura dans tous les sens, et goldfisha comme un malade (le poisson rouge préférant les decks combo aux decks aggros).
Malheureusement, tous les skyblogueurs vous le diront, la Life, c'est injuste : on gagne contre les gens sympas qui jouent des tokens, et on perd contre les Vilains Petits Cochons qui exploitent les pauvres Decepticons.

Il accompagna donc les hurlements de la plèbe le jour même en vouant aux gémonies les affreux qui aguichaient leurs adversaires avec des "Et plus si affinité". Mais par on ne sait quel malentendu on l'avait catapulté modérateur du forum du petit format agricole. Il se dit donc, dans l'un de ces moments que les alcooliques anonymes appellent un éclair de lucidité, qu'il devait donner l'exemple, et réfléchit deux secondes.

Pro tour player a écrit :
Si un deck A est fort ET stable, un deck B fort mais instable perdra au moins contre le deck A.


Corollaire : Si en plus le deck B est instable quoiqu'il advienne, c'est mal barré pour le joueur du deck B, qui aime bien s'amuser, mais s'il fait top 8, c'est mieux, parce qu'il peut faire quelques parties de plus.

Notre star montante décida donc de reprendre le deck de 59 cartes, d'en mettre une 60ème, comme ça, pour voir, et de tester. Contre tout et n'importe quoi.
D'inclure toutes les cartes qui lui venaient à l'esprit et qui pouvaient avoir un vague rapport avec le deck et sa mécanique.
D'échanger avec des gars plus expérimentés que lui, n'hésitant pas à révéler ses secret techs.
N'hésitant pas, enfin, à prendre le pari de jouer le méta, et de tabler sur l'effet de surprise (ce qui était paradoxal en soit, car le deck était plus chiant que Stase et Turbo fog réunis).

Et ce qui devait arriver, arriva, avec un peu de chance tout de même, parce que le gars faisait des misplays - mais comme les fermiers sont sympas, ils les lui signalaient, et donc il s'améliorait.
Notre gars, qui faisait d'habitude bottom 8 avec des decks improbables, fit top 8 et victoire avec un deck inattendu, à tel point qu'au tournoi suivant, tout le monde avait de quoi casser les decks de 59 cartes + 1.

Pendant ce temps, les vilains robots avaient encore fait peur à tout le monde, et au tournoi suivant, ils furent si nombreux et si méchants que tout le monde re-cria haro sur le baudet (pauvre bête). D'un tournoi sur l'autre, personne, ou trop peu de monde, ne semblait se souvenir que les robots partent toujours en disant : « I'll be de retour, Gérard Lambert, tan tan tan ».

Pourtant, notre nouvelle terreur des tournois, qui avait appris à tester. Il avait du coup l'impression, peut-être fausse, qu'un gros rouge qui tâche avec 4 fours à pain, ça marchait bien contre les robots : sans maisons, ni tambour à mana, ni coucou suisse, ils faisaient moins les malins. C'est bien connu, quand t'as pas de maison, t'as pas d'amis, et les affinités se tissent moins bien.
Comme le gros deck rouge qui tâche était bon dans l'absolu, intégrer des fours à pains ne le gênait pas trop, d'autant que si c'est rouge, on peut embaucher des clowns et des artistes de cirque pour mettre une ambiance du tonnerre.

Mais comme tout le monde ne pouvait pas jouer des fours à pains, on décida, avec force, violence et rage, de proscrire au ban de la société les maisons des robots.

Vint donc une ère de paix, de calme et de prospérité (aucun rapport). Les gens espéraient enfin. Une ère nouvelle voyait le jour, où les tortues géantes réanimées gagneraient contre les Caravanes marchandes.

Las ! Les Vilains Petits Cochons qui testaient, dont faisait maintenant partie notre gars qui se la racontait un peu alors qu'il faisait toujours autant de misplays, ne le voyaient pas de cet œil.
Ils se mirent à jouer le bout de carton le plus rébarbatif du monde : c'était mou, c'était humide, c'était banal comme un ciel sans nuage, c'était presque ch'ti, car c'était Lille. En plus, les Vilains Petits Cochons avaient plein de nouvelles maisons, des gluantes très chères dans lesquelles le loup se perdait, des incolores qui fabriquaient des robots, voire même des robots déguisés en maison !

La foule craignait le retour aux Usines, et profita d'une blague lancée par un vieillard aviné pour crier haro sur le nouveau baudet (mais que fait Brigitte ?), parce qu'il était plus simple de supprimer le problème que d'y trouver une solution active. Plus simple de réduire le champ des possibles que de réfléchir 5 secondes aux problèmes qu'avaient apportés les Vilains Petits Cochons. Plus simple de réprimer que d'éduquer. De là à y faire un parallèle avec la politique intérieure française, il n'y avait qu'un pas que Godwin aurait franchi avec bonheur.

Pendant ce temps, notre gars, cool, tranquille, chinait une brocante pour récupérer un paquet d'une centaine de cartes pour 5 euros : des incontrables, des casse-maisons, des piocheurs bizarres, des ratons-laveurs, et même un lit-parapluie qui n'a aucun rapport avec notre histoire, mais beaucoup plus avec sa future paternité.
Tout cela, sauf le lit-parapluie, donc, lui permettrait de tester et d'être encore plus contrariant que le Vilain Paquet aux Maisons pondeuses de robot, du Vilain Cochon en Chef, aussi connu sous le nom d'organisateur de tournoi obscur.

Parce que notre gars avait compris un truc :

Rigolo.deck, c'est rigolo, mais si tu veux faire top 8, il faut jouer metagame.deck.

Oopas. Mais c'est une autre histoire.

Toubicontinude...