L'épopée du barbare
Chapitres I & II
écrit par Jean Pascal


      
Chapitre I :L'Atlantide




Je suis Kamahl, le sangrahbaire. Je ne peux pas m’empêcher de penser à ma soeur, Jeska. Elle a été enlevée en plein nuit par les ondins amphibiens de l’Atlantide (ils ont signé leur acte : une perle en forme de goutte d’eau, sertie sur un pendentif en or massif, a été déposée en évidence sur l’oreiller).


Trois jours après l’enlèvement, je me retrouvais seul à la recherche de ma soeur et la fatigue me rongeait. Je voyageais depuis maintenant trois jours et trois nuits en combattant animaux, gobelins et elfes, sans aucun repos. Mais grâce à ma détermination, mon voyage touchait à sa fin : la mer sacrée, résidence du seigneur de l’Atlantide, s’offrait enfin à moi. A perte de vue, des vaguelettes moussaient dans les écumes blanches des eaux claires.



Mastiquant un morceau de limage grillée, je m’avançais sur la plage. Immédiatement, une ondine à la chevelure blonde emmêlée à des vieilles algues et du sable, armée d’un trident d’ivoire, émergea de l’eau. elle me dit :

- Salut à toi, étranger. Qui es-tu pour déranger les êtres des eaux sacrées ?
- Kamahl, le sangrahbaire, lui répondis-je. Seigneur du feu et des montagnes ancestrales, frère de Jeska, que vous avez enlevée. Je viens seul et en paix pour parler au seigneur de l’Atlantide.


A ces mots, l’ondine leva son trident et prononça une incantation inaudible ; un cocon magique apparut soudain devant moi, hermétique à l’eau qui me permettrais de respirer à ma guise. L’ondine me fit alors signe de rentrer dedans, et partit de deux coup de nageoires vers les abîmes de l’Atlantide.


Une ville entière, engloutie sous les flots, nous attendait. Dans mon cocon qui me servait à respirer, je vis des centaines de créatures des eaux progressant somptueusement grâce à leurs immenses nageoires. L’ondine me mena jusqu’à ce qui me sembla être leur temple, d’après son aspect quelque peu religieux. Un ondin en sortit. Il était vieux. Sa queue rougeoyante et ses nageoires couleur d’or battaient les flots avec vigueur. Sa chevelure flottait au rythme des courants marins. Ses dents, elles, étaient pointues et aiguisées tel les pièges-lames léonins. Ses yeux étaient rouges et son regard envoûtant.


- Je suis le seigneur de l’Atlantide, maître de ces eaux sacrées, me dit-il enfin. Je sais qui tu es et pourquoi tu es ici. Rentrons.
Je découvris aussitôt une pièce totalement vide et sombre. Nous la traversâmes puis entrâmes dans une seconde pièce, plus petite. Des objets flottaient au dessus de nos têtes. Le seigneur rompit le silence :

- Tu es Kamahl, le frère de Jeska. Et tu es venu la récupérer. Sache qu’elle est en sécurité. Mes enfants s’occupent d’elle telle une princesse. Je l’ai faite enlever dans l’espoir que tu viennes la récupérer toi-même, pour récupérer une rançon en échange.
Il marqua une pause, puis reprit :

- Notre peuple est un grand peuple. Il connaît tous les secrets et les pouvoirs ancestraux aquatiques et du vent sacré. Depuis des décennies, ces savoirs se transmettent de génération en génération. Mais aujourd’hui, nous sommes las de tout cela. Nous voulons connaître les secrets du feu, pour forger de meilleures armes et pour construire une plus grande cité. Mais le feu ordinaire meurt à l’approche de ce lieu sacré, et, de toute façon, il ne pourrait en aucun cas brûler dans l’eau. C’est pour cela qu’il nous faut le feu d’antan, le feu originel, source de toutes les magies, qui jamais ne s’éteint et qui brûle encore depuis l’éternité au sein du dragon de la montagne sacrée. Même au contact de l’eau. Toi seul, maître des montagnes et du feu, peux nous le ramener.


Il y eut un moment de silence.
- En quel honneur dois-je vous aider, vous qui avez enlevé ma soeur ?
- Tu n’a pas encore compris ? ricana-t-il. Tu as le choix : meurs ici-même avec ta soeur dans d’atroces souffrances, ou bien trouve la montagne sacrée et rapporte-nous le feu du dragon. Je te laisse un délai de deux ans jour pour jour. Si à l’aube du dernier jour tu n’es pas devant ce temple avec la flamme éternelle, je prends ta soeur comme épouse et fais de toi mon esclave si tu t’avises de revenir.


La gorge sèche, les nerfs tendus, j’acceptais ma mission. L’ondine qui m’avait conduit jusqu’ici m’amena à une habitation, si je pus en juger par son apparence, et disparut dans les algues verdâtres. Une sirène en sortit alors et tendit son long doigt bleu en direction de ce qui me sembla être la porte. J’entrais.
Une assiette, remplie d’algues bleues à la substance douteuse, était posée sur la table. La sirène m’ôta mon épée et me fit signe de manger.

Je m’allongeai alors sur le sol mou, et m’endormi d’un sommeil lourd en rêvant de l’aventure qui s’ouvrait à moi.



Chapitre II : Une singulière rencontre



L’aube vient, et les rayons de soleil se reflètent jusqu’aux coraux sombres dansants sous les flots sacrés. Je regarde ce paysage magnifique une dernière fois, avant de me préparer au départ. Je prends mon épée, mange le reste de mon assiette et part dans les remous des algues.

Une fois arrivé à la surface, je sors de mon cocon et je m’avance sur la plage. J’ai encore faim. Tandis que je fais les premiers pas sur le chemin qui me ramène chez moi, je vois un phacochère courir dans les bois. Aussitôt, mon bras musclé dégaine mon immense lame et frappe l’air à pleine puissance. Un souffle de flammèches apparaît et se dirige vers l’animal, qu’il atteint de plein fouet. Mort sur le choc, le phacochère reste étendu sur le sol terreux tandis que ses poils et sa peau se consument rapidement. Je m’avance alors et prend la créature sur mon dos après en avoir arraché un bon quartier. Je continue ma route, tout en dégustant mon gibier.


Ainsi, je marche pendant trois jours et trois nuits, comme à l’aller. Collines après collines, forêts après forêts, je finis par arriver à la forge. Je prends ma cape, des provisions, une couverture et mon orbe magique qui me permet de puiser mon énergie. Je charge le tout sur ma monture, Kriska, et pars sans prendre le temps de me reposer pour la longue quête qui m’attend.


Un grand rocher me protège de la pluie. C’est un endroit idéal pour y passer la nuit. Je remets du bois dans le feu, termine mon poisson fraîchement pêché, et je m’allonge. Cela fait maintenant deux jours que je suis parti de la forge. En tant que maître du feu et des montagnes, j’ai toujours su où se trouvaient les montagnes que je cherche, et j’ai toujours su qu’il ne fallait pas s’y aventurer. Je repense à toute cette histoire, et m’assoupis tant bien que mal.

Le soleil est levé depuis longtemps. Kriska me réveille en me grattant la nuque de ses longes cornes. Encore embrumé, je me lève, je rassemble mes affaires, j’éteins les dernières braises et je pars sur le dos de ma fidèle monture. Une forêt gigantesque s’étend devant moi. Kriska court depuis plusieurs heures déjà. L’heure se fait tardive.

Une fois le soleil caché derrière le plus petit des arbres et que le crépuscule devient pénombre, j’arrête ma monture. Je descends et continue le chemin à pied en quête d’une petite clairière pour y passer la nuit. Peu après, je trouve mon bonheur : j’aperçois un ancien temple de druide, un petit dolmen de la providence. Je décharge Kriska, puis je vais chercher du bois pour le feu.

L’épée levée, je m’apprête à couper un petit arbre quand soudain j’entends une voix elfique, comme si elle se parlait à elle même. Tapis dans un buisson, j’aperçois un jeune elfe cueillant des baies appétissantes. Seulement, ces baies poussent sur le buisson qui me camoufle. L’être des forêts ne tarde pas à m’apercevoir. La bouche pleine de baies sauvages, il dégaine sa dague et m’attaque furtivement. J’esquive, puis riposte avec la rapidité de la foudre et la puissance du feu. L’elfe parvient à parer et à esquiver tous mes coups, mais sa dague se brise sous le poids de mon épée légendaire. Il saute, d’un bond de quelques mètres, s’accroche à une branche, grimpe et bande son arc.


Il reprend son souffle, avale ses baies, et dit :
- Qui es-tu ?
- Je ne suis qu’un barbare du sud. Habites-tu dans cette forêt ?
- Oui. Je suis le seigneur de ces terres. Mes frères et mes soeurs habitent avec moi non loin de là.


Je baisse alors mon épée et l’elfe range sa flèche dans son carquois. Il saute du haut de son arbre, puis me demande ce que je fais dans le bois. Je l’invite alors autour de mon feu et lui relate toute mon histoire. Il me dit s’appeler Rofellos, et que nous nous trouvons dans la forêt de la Llanowar. Je lui propose alors de passer le reste de la soirée avec moi, pour ainsi pouvoir bavarder de tout et de rien. Je finis donc par lui relater mon histoire.

Le lendemain matin, je me lève avec difficulté. Le soleil est déjà haut. Le feu a été entretenu et à mes pieds se trouve une écorce de bouleau remplie des baies que mangeait l’elfe hier soir. Celui-ci arrive aussitôt, s’assied et regarde dans le vide. Il me dit qu’il viendra avec moi, m’accompagner dans mon périple. Content d’avoir enfin quelqu’un avec qui rester, j’acquiesce. Un sourire apparaît alors sur son visage. Il se lève, scrute la forêt et sifflote une petite mélodie ; un immense chien, de la taille d’un cheval accourt aussitôt. Il se déplace avec grâce, sans aucun bruit sourd de pas (malgré son poids apparent) et très rapidement.
- Voici Liar, me dit-il.


Nous partons enfin. Kriska peine à suivre l’elfe sur sa monture. Heureusement, l’orée du bois ne se fait pas attendre : une immense plaine verdoyante s’étend à nos pieds.
Et au bout de ce champ, des immenses montagnes se dressent majestueusement…