Un club Magic ?
Deuxième partie
écrit par Antoine Bouziat


      Le MV Contest #15 n’étant plus qu’un lointain souvenir, continuons d’explorer les différentes facettes d’un club de lycéen avec ce second opus. Si le premier épisode s’attardait plus sur la (difficile) création du club, celui-ci a pour but de vous faire découvrir les tumultes de la vie associative à travers le récit de ceux de la première année de fonctionnement. Je tiens à préciser que comme pour la première partie, tous les faits racontés ici sont véridiques, tirés de ma véritable expérience. Voici d’ailleurs le site du lycée dont il est question : celui de la Herdrie.


Résumé des épisodes précédents.


Petit élève de seconde, joueur de Magic frustré et lecteur de Lotus Noir devant l’éternel, j’arrivais au lycée avec une idée folle : y créer un club Magic. Et si au début, cette formidable entreprise avait tout d’un fiasco monumental, nous arrivâmes rapidement à gagner le respect des divers membres de l’administration et à former un groupe de joueurs à la taille plus que décente.

Pour bien faire, il faudrait vous faire aussi un rapide descriptif des personnages principaux, mais il ne faut pas exagérer, on n’est pas dans Amour, Gloire et Beauté... Le premier article est au bout de ce lien pour plus d’informations.



8) Ici, pas de game breakers…


Je tiens à vous préciser, pour comprendre la suite, que dans un club tel que le mien, on est très très loin des tournois type grand prix ou même QT. Jugez par vous-même :
de quoi est faite une séance, quand il est entre 13 et 14 heures, et qu’on veut taper le carton ?

Tout d’abord, il faut mettre en évidence le fait que le mode de jeu est nécéssairement multijoueur. Un duel dans un tel club ce n’est vraiment pas pratique, si ce n’est pour régler un compte avec un vieil ennemi. Quand on a fini de jouer, si ce n’est pas le cas des autres, on n’a pas d’autre choix que de rejouer avec le même adversaire ou d’attendre que les autres duels se finissent. Les séances ne durant qu’une heure, le multijoueur est la seule façon d’en profiter pour affronter de nombreux decks différents. Certains apprécieraient des alliances et des règles de points de vie commun mais le plus simple est encore de jouer tout le monde contre tout le monde, le dernier restant en vie étant le grand gagnant. Ainsi c’est à chacun de former alliances de circonstance et pactes douteux.

Ce constat va donc entraîner de profonds bouleversements dans la façon de concevoir des decks. Ici, les jeux Défausse, Contre ou Casse-terrains n’ont aucune chance car ils demandent de se focaliser sur un joueur en particulier et les 3, 4, voire 5 autres vont donc en profiter pour vous assaillir de toutes parts. D’une façon générale, il est primordial dans un tel format de pouvoir se bâtir rapidement une défense sans quoi vous allez vite devenir le souffre-douleur du groupe. En duel, si vous ne posez pas de créatures dans les premiers tours, vous ne subissez les attaques que d’un seul adversaire, gérable par exemple avec des éphémères. Mais là c’est bien quatre ou cinq joueurs qui se lancent à votre assaut et vos points de vie risquent donc de fondre comme neige au soleil.

Ainsi, ce sont des jeux qui seraient agressifs en duel comme Weenie ou Affinité qui marchent, mais en devenant ici défensifs : le fait de pouvoir se cacher rapidement derrière une multitude de petites créatures dès les premiers tours permet de dissuader quiquonque de vous attaquer, mais à côté de cela vous ne pouvez pas vous permettre de vous lancer corps perdu dans la bataille comme en duel… toujours à cause de la nécessité pour ces jeux de se focaliser sur un adversaire en particulier.

Par ailleurs, il faut affirmer que tout le monde joue en Legacy. Quel lycéen normalement constitué peut se permettre d’acheter une boîte à chaque nouvelle extension pour pouvoir jouer type 2 ? Les collections, sont faites de boosters récupérés par ci par là et donc très hétéroclytes. Les jeux qui en découlent n’en sont que plus savoureux. Cependant, ceux-ci ne peuvent se comprendre sans les joueur qui vont avec, il est d’ailleurs assez amusant de voir à quel point un joueur peut s’identifier à son deck.

Par exemple, Cedric, le co fondateur, est un vrai pro player en puissance : il aime optimiser son deck en ne jouant (assez illégalement il est vrai) que 40 cartes et son jeu Orbe/Opposition est à l’image de son comportement en partie : impassible, concentré, contrôlant tout ce qui se passe derrière un sourire légèrement cynique. Tandis que les phénomènes Steeve et Mika, le look cool, décontracté, sweet noir et cheveux longs, préfèrent jouer des jeux de 120 cartes, mais cahant tous un concept original tel que Rouge Bleu Piqûres à la base de Sorcier sybarite et de cartes de dégagement, Blanc Noir qui tue à la Blessure suppurante ou même le deck Jetons, qui regroupe toutes les cartes pouvant mettre des jetons en jeu et beaucoup de mana. 1 Petite exception : Jacques, grand timide, qui semble s’excuser à chaque fois qu’il joue une carte, mais qui joue… Gobelin, le deck agressif par excellence.

Pour clore ce tour d’horizon, je ne peux m’empêcher de vous livrer ce deck, fabuleux, dû au méchant de la bande, Aymerick : un jeu sorcier comportant toutes les cartes du type Détrousseur céphalide dans l’idée de jouer leur capacité sur l’adversaire, une fois qu’il ait vidé sa main, pour le faire perdre au tas. Autant préciser : ça ne marche pas.

La liste des jeux et des joueurs pourraient se poursuivre pendant de nombreuses pages entre Sébastien Lamy, le roublard, et mon jeu Egotiste dédaigneux - Déferlante de connaissance - Sagesse selon Gerrard mais j’ai des consignes de passer tout de suite, maintenant que le décor est planté, aux conflits proprement dit, que vous devrez savoir gérer pour que votre club perdure…


9) L’affaire Latulla


Maintenant que le décor est planté, passons au thriller. Car il ne faut pas croire qu’un groupe humain tel qu’un club Magic puisse perdurer en enchaînant parties sur parties sans être secoué de temps en temps par des affaires et des conflits de toutes sortes. Et celui que je vais vous conter a tout d’un grand film policier américain…



Objet de toutes les convoitises
Il faut resituer la scène au début du club, fondé et établi mais venant à peine de prendre son rythme de croisière. Chacun d’entre nous avait emmené beaucoup de cartes à l’échange dans lesquelles farfouillaient allègrement Aymeric, Sébastien Lamy, Steve, Valentin… Jusqu’à ce qu’Aymeric tombe sur Latulla, brigadière kelde.

C’est alors que ses yeux se mirent à pétiller et qu’il s’écria C’est comme Ghrill mais en rouge ! Sauf que le fait qu’elle soit là était une erreur : la carte appartenait à mon frère et je ne pouvais donc pas l’échanger. Je l’avais glissé dans le tas sans y penser. Les deals allaient donc se poursuivre sans que je ne me préoccupe plus de Latulla… très mal m’en pris ! C’est en effet en rentrant chez moi que je me rendis compte que plusieurs autres cartes pour un montant total d’une dizaine d’euros, voire plus, m’avaient été littéralement volées, mais je n’avais pas encore remarqué la disparition de Latulla. Je me lançais donc, tel le Sherlock Hommes ou plutôt l’inspecteur Labavure des temps modernes, dans une enquête. Evidemment, tout le monde niait en bloc. Jusqu’à ce que Sébastien Lamy me glisse en cours de SES Tu sais, Aymeric, l’autre jour, il se vantait d’avoir chipé tes cartes dont Latulla (dont je réalisais alors la disparition). Mais surtout ne dis pas que c’est moi qui t’ai dit ça, après il va faire pression sur moi, je t’en prie…

J’en parlais à Cédric qui m’annonçait alors que son Orbe de l’hiver avait aussi disparu. Ensemble, nous reconstituâmes la scène et la culpabilité d’Aymeric devenait de plus en plus évidente. En plus, nous ne pouvions mettre en cause la bonne foi de Lamy puisque c’était lui qui m’avait appris la perte de Latulla. Nous montions donc un plan d’action, pour vendredi prochain : Qu’il la rende ou cela se finira chez le CPE ! Mais dès le vendredi matin, coup dur : Cédric a retrouvé son orbe, il l’avait juste mélangé avec un autre de ses decks. Tant pis, je serais seul mais j’avais des arguments. Je répétais : Ca fait 10 euros, Tu n’aurais jamais eu l’idée de me tirer un billet de 10 dans mon porte-feuilles, et pourtant c’est aussi grave !

L’heure H arriva : quand Aymeric entra dans la salle 205, je lançai :

- Tu n’as rien à te reprocher par hasard ?
– Euh non… de quoi tu parles ?
– Ne fais pas l’innocent !
(Oui oui j’étais complètement À FOND DEDANS). Tout le monde sait que tu m’as volé Latulla, brigadière kelde.
– Quoi ? Non ! C’est pas vrai. Tu sais, voler les cartes c’est vraiment quelque chose que je trouve ridicule. Ca me dégoûte qu’on puisse penser ça de moi.
– Y’a un témoin qui t’a dénoncé.
– Qui ?
– Je peux pas te le dire.
- C’est n’importe quoi. C’est un mythomane, ton type, s’il existe…
- Oui mais euh on t’a vu la regarder, elle te faisait envie et tu l’as prise.
- Non je te dis...


Je m’engluais alors de plus en plus dans les débats, désespérément seul, Cédric restant très à l’écart. Je me rendis compte que la culpabilité d’Aymeric qui il y a un quart d’heure semblait totalement irréfutable n’était en fait fondée sur pas grand chose. Et surtout sa bonne foi et son écœurement étaient, eux, évidents. La séance passait sans que rien ne soit fait. Lamy était étrangement absent ce midi.

Je le revoyais le lundi suivant :

“ Bon pourquoi tu m’as dis qu’Aymerick avait carotté Latulla ? On dirait bien que non…
- Qui te parle de Latulla ? Je t’ai dit qu’il t’avait volé tes Cape de tatou.
- Mes capes de tatou ??
- Ben oui, Aymerick t’as pris tes capes de tatou. Mais Latulla…jamais entendu parler, tu as du mal comprendre. Bon allez, ciao.
Et il s’en alla.

Bon là je suis sonné. Je me demande si je suis très très con ou si on se paie royalement ma tête (ptêt les deux ?) Quand je reprends mes esprits, je me rends compte que c’est sûrement la deuxième solution. Sur le coup, je me suis dit : Aymeric a fait pression sur Lamy. Mais plus tard, la solution m’a semblé évidente : C’est forcément Lamy qui a volé puisque ce n’est vraisemblablement pas Aymeric et que je n’ai parlé à personne de la disparition de Latulla puisque c’est lui qui me la apprise. Et il a alors dénoncé Aymerick pour se couvrir.

Question à mille euros : dans l’histoire y’en a un qui s’est fait avoir, mais qui ? Cédric résuma très bien : Tu t’es bien fait baiser.

Pour l’histoire, la tension avec Aymeric finit par s’apaiser et je rachetai une Latulla à l’unité pour mon frère.


10) L’affaire Rideaux bleus


On change de registre mais on reste dans le juridique avec une autre affaire relativement importante dans un genre que doit subir, je pense, tout club de Magic qui se respecte. En fait, tout vient du système qu’ont établi les Z 2 pour les clefs de la salle 205 : en effet, je vous ai déjà dit qu’en bataillant ferme, nous avions suffisamment gagné leur confiance pour qu’elles nous laissent ouvrir nous-mêmes la porte. Mais, et c’est là que le bât blesse, pas assez pour qu’on puisse garder les clefs avec nous pendant toute l’heure. Ainsi, fallait-il qu’au début de chaque séance l’un d’entre nous se motive pour redescendre jusqu’à leur bureau pour leur rendre. Souvent quand il revenait, essoufflé après les 4 escaliers franchis (2 à l’aller, 2 au retour), les parties étaient déjà commencées et il devait donc patienter pour pouvoir jouer. Enfin bon, passons sur la débilité de la chose.

Le fait est que lorsque la sonnerie de 14 heures retentissait, nous étions contraints de partir en laissant la salle ouverte. Nous traversions alors une foule d’élèves, attendant leur prof' pour un cours dans la 205, qui ne manquaient pas de nous huer ou de nous interpeller dans le sens : Nous on bosse, on glande pas en jouant aux cartes.

Or il se trouva que cette prof' au début très "sceptique" sur ce club de jeu de cartes était venue déposer ses affaires dans la salle vers 13h30 et nous avait vu, non sans nous demander ce que nous faisions là et si tout cela était bien en règle, nous la mouchâmes un peu en lui répondant que les Z et le CPE étaient parfaitement au courant.

Et, lorsqu’elle revint pour son cours à 14 heures, elle trouva la salle dans un état inacceptable : le tableau était couvert d’inscriptions potaches mais surtout… les rideaux bleus étaient déchirés !!!! Il était donc évident que c’était ses élèves qui après notre sortie s’étaient amusés à tout foutre en l’air. Mais dans l’esprit de la prof', encore vexée de ne pas avoir pu nous mettre dehors à 13h30, cela ne pouvait être que nous les coupables. Elle alla donc se plaindre auprès des Z et, ce qui est fort, c’est qu’elle poussa la mythomanie jusqu’à dire qu’elle nous avait vus tous debout, en train de grimper sur les tables ! Alors qu’au pire, avons nous pu hausser "légèrement" la voix pour expliquer à Mika que commencer en piochant 9 cartes et en en reposant deux en disant j’ai pas fait exprès n’était pas très fair-play.

En tout cas, tout l’organigramme du lycée se mit en action : branle-bas de combat ! convocation chez le CPE puis chez les Z. Explication de la situation, raisonnement, mise en place de l’air du "petit seconde qui ne ferait pas de mal à une mouche" puis enchaînement sur l’indignation : Moi, je vous le jure ! Personne n’a fait ça ! Et finalement tout est passé comme une lettre à la poste.

A partir de ce moment, la prof, qui devait se sentir un peu gênée au début, nous sourit chaque fois qu’elle vient déposer ses affaires à 13h30.


11) Le dossier Mox

Allez, une dernière affaire et pas des moindres. On reste encore une fois dans le "totalement caractéristique des clubs Magic" : le deal fumeux.

Nous étions toujours au début du club mais quand même un peu plus tard que les deux autres affaires. Vers Noël, on va dire (je ne sais plus exactement quand). Les deals de cartes, en échange seulement, nous avaient fait remarquer de beaucoup. De telle façon qu’un jour, un ami d’un gars de ma classe me proposa LE DEAL (selon lui) : une belle valisette de cartes pour 30 euros. Il faut noter que tout non initié à Magic a tendance à très fortement surévaluer le prix des cartes. Ils sont en effet maintenus dans une sorte de monde imaginaire par les légendes de membres du Power nine à 400 euros et du coup croient que même la moindre commune doit se vendre à prix d’or. Enfin bref. Nous décidâmes de garder la valisette pour voir ce qu’elle contenait et faire un choix. Et franchement c’était très loin d’être génial : beaucoup de Masques de Mercadia et surtout de Portal donc vraiment peu de cartes réellement intéressantes… Sauf que dans cet océan de boues surnageaient deux spoilers quasi mint (notre vendeur n’avait pas du jouer beaucoup) : Esprit infernal et Mox de diamant. C’est alors que Cédric me proposa L’Arnaque (selon lui) : dire au mec qu’acheter toute la boîte fait trop cher mais qu’à la place on lui donne 5 euros chacun et on prend tous les deux dans la boîte 10 cartes de notre choix. L’autre ne s’y connaissant visiblement pas beaucoup, cela pouvait (devait) marcher. L’idée était ensuite de revendre les deux cartes dans n’importe quelle boutique, gagnant ainsi chacun dans l’affaire plusieurs rares et uncos, plus un bénéfice financier. C’est ce qu’on fit. L’autre accepta.

Mais vous vous doutez bien que tout ne se passa pas comme prévu : la transaction fit grand bruit auprès des amis du dealer dans ma classe. Pour eux, j’avais arnaqué leur copain, mais j’étais le seul avec Cedric à connaître la présence du Mox de diam’ et du Nether spirit dans la transaction. Et comme nous avions payé, cela aurait pu en rester là. En rester là si un revers sentimental (et ben quoi ? ça arrive en Seconde…) n’avait pas fait naître en moi une soudaine envie d’épater la galerie. Et c’est ainsi que je fis tout écrouler en expliquant notre "coup" à Cut, qui le répéta à Mandin (un mec qui n’a pas grand intérêt dans notre histoire) qui le répéta à son pote qui, enfin, revint nous voir, mine de rien : non ça ne va pas être possible finalement. Faut vraiment que je liquide TOUTES mes cartes, votre deal ne m’intéresse plus. Cédric était furieux, tous les autres se délectaient d’avance d’une "confrontation musclée" entre le vendeur, bien bien baraqué, et moi.


Business is Business


Mais finalement je me résolus à lui acheter, seul, le reste de la boîte pour 20 euros supplémentaires, ce qui du coup n’était pas une si bonne affaire. Mais le clou du spectacle est quand même qu’une fois arrivé à la boutique, Cédric se fit entendre dire : Non, non on n’achète plus de cartes à l’unité, les stocks ont déjà été faits pour cette année. Faut voir avec les particuliers. Et essayez d’aller vendre à bon prix un Mox ou un Nether à des pinpins : si ce n’est pas gros, si ça ne brille pas, ça ne les intéresse pas…
Donc le beau Mox a fini dans un jeu Casse-Terrains et le Nether… pff… je ne sais même plus où !

Ainsi se passa donc la première année, ponctuée de petits affrontements de moindre mesure par la suite. Comme dit précédemment, le petit comité que nous étions au début a en une année grossit, grossit, grossit jusqu’à devenir le plus gros du lycée en nombre d’inscrits. Il n’y avait donc aucune raison pour qu’on ne reparte pas l’année suivante…

Au programme du prochain MV Contest #18: le troisième et (déjà) dernier épisode ! Sniff ! Des séparations "bouleversantes" mais avant tout le récit de la deuxième année, du Rules doctor (oui môssieur !), des coutumes étranges et surtout un article un petit peu moins long…Mais que voulez vous ? Quand on aime, on ne compte pas !





NDLA - 1 : Oui je sais, ça fout les jetons…

NDLR - 2 : Les Z-éducatrices, pour ceux qui ont la mémoire courte.