World of Warcraft & Cyberdépendance : Mythes & Réalités...
écrit par Yann Barsamian


      En commençant cet article, j'ai eu très peur de tomber dans les mêmes écueils que le film Syriana. Il n'est d'ailleurs pas dit que je n'ai pas fait les mêmes erreurs. Effectivement, tout comme Stephen Gaghan avait de multiples histoires à raconter sur la vie pétrolière en moyen orient, j'ai moi même tiré de mon expérience de jeu (entre autres...) moult anecdotes sur World of Warcraft.

Je tenais à dire de suite que cet article se veut plutôt sérieux en évoquant différents aspects de WoW (World of Warcraft). J'essayerai de parler des phénomènes d'addiction plus ou moins inhérents au jeu en les expliquant, et - chose ô combien difficile - en essayant de toujours garder un avis objectif. Je vous souhaite d'avance une très bonne lecture qui sera sûrement entrecoupée d'autres activités si jamais vous allez jusqu'au bout de cet article ;-)



Comme ça a l'air mignon...

O. Dis papa Yann, c'est quoi WoW ?


Rappelons brièvement en quoi consiste ce jeu. C'est un MMORPG (Massively Multiplayer Online Role-Playing Game); en clair, c'est un jeu dans lequel le joueur derrière son écran incarne un personnage virtuel. Cela peut faire penser de prime abord à un jeu de rôle comme on en a déjà parlé sur nos chers forums, mais il n'en est rien. Si débat il peut y avoir entre JDR (jeu de rôle) papier et GN (grandeur nature), en revanche il ne peut y avoir comparaison avec le MMORPG. C'est avant tout un jeu vidéo, donc les possibilités mises à la disposition du joueur sont limitées. En aucun cas on ne pourra diriger à son bon vouloir les actions de son personnage : nous sommes ici enfermés dans un carcan d'actions qu'il s'agit de suivre. Je me vois mal en plein milieu d'une chute malencontreuse d'un pont qui va me faire mourir plus bas demander aux MJ (Maitre du Jeu) "Dites, là j'aimerais sortir mon grappin et le lancer sur le pont pour essayer de me rattraper." Lors d'une soirée entre amis, le MJ aurait sûrement fait un lancer de dé avec faible chance de réussite, mais là n'y pensez même pas.

Quant au reste c'est assez semblable à un jeu de rôle comme on l'entend d'habitude. On incarne un personnage pour lequel il faut faire des choix et dont le but est plus ou moins d'aller tâter du gros monstre. Il faut choisir si son personnage fera partie de l'Alliance ou de la Horde (les deux clans à se battre pour les terres d'Azeroth), choisir sa race, et sa classe de personnage. Les différentes races changent principalement le skin (aspect extérieur) du personnage et apportent divers petits bonus. Les classes elles par contre sont très décisives lors de la création du personnage. On peut incarner un Chaman, un Chasseur, un Démoniste, un Druide, un Guerrier, un Paladin, un Prêtre ou un Voleur.1

Le personnage a différentes caractéristiques (Force, Agilité, Endurance, Intelligence, Esprit). Chacune de ces caractéristiques a une influence sur les capacités du personnage à évoluer dans son environnement et ces dernières vont augmenter au fur et à mesure du levelling (la montée de niveau) du personnage. On commence niveau 1 et à chaque montée de niveau on gagne des points dans ces caractéristiques, ainsi que la possibilité d'apprendre de nouveaux talents, cela jusqu'au niveau 60 au-delà duquel il n'est pas possible pour l'instant de monter (une montée au niveau 70 est prévue pour un prochain add-on du jeu). Il est à noter que les objets que l'on peut looter (ramasser) sur les mobs (monstres) du jeu améliorent les caractéristiques du personnage.

Enfin l'une des grandes différences avec le JDR papier, est au niveau de la difficulté. Mourrez dans un JDR papier, et vous êtes effacé complètement sans pouvoir revenir. WoW doit être ouvert à tous, et j'imagine mal la plupart des joueurs recommencer un personnage à leur première mort. Ainsi lorsque l'on meurt, des pénalités sont tout de même infligées aux joueurs, mais très minimes et il peut alors continuer de jouer tranquillement.2

A six millions d'abonnés déclarés au début de l'année, six millions de raisons différentes de jouer. Certains aiment regarder les avatars des autres joueurs, aiment discuter, certains veulent avoir un personnage super fort... World of Warcraft devient un lieu social au même titre que l'école, la famille, le lieu de travail.



I. L'addiction

1. Remise en contexte historique

L'univers des MMORPG n'est pas nouveau. En fait avant de passer sur internet, l'ordinateur a d'abord dû se mettre au jeu de rôle mono-joueur. Peut être l'excellent Fallout rappelle-t-il quelque chose à certains d'entre vous ? Ce jeu édité en 1997 était l'un des plus proches du jeu papier : le joueur avait une énorme liberté de mouvements et d'actions (entrainant ceci dit parfois des bugs). A l'époque Diablo acquiert un énorme succès, dans un univers un peu moins rôliste mais néanmoins avec les mêmes bases de levelling, de caractéristiques de personnage et de monstres.

Avec des jeux comme Baldur's Gate, le jeu de rôle s'étend au réseau local : on peut jouer à plusieurs au lieu d'être seul à contrôler son personnage / groupe de personnages.

Le MMORPG a commencé à se répandre sérieusement à partir de 1999 avec EverQuest en particulier. Combien de lycéens ont passé leurs nuits dessus à attendre la repop d'un mob, à échanger des objets, à quêter...

Le système est très simple. Au lieu d'acheter sa boite de jeu et d'y jouer autant que bon lui semble, le joueur doit payer un abonnement pour se connecter sur un serveur via Internet. L'abonnement tourne souvent autour de 10 euros, même si certains jeux arrivent à rester gratuits non seulement au téléchargement mais également pendant le jeu (Prophecy par exemple). La plupart de ces jeux gratuits sont par contre souvent limités au niveau du graphisme. On assiste ainsi également à la floraison d'une flopée de jeux plus ou moins interactifs où le joueur peut se connecter quand il le désire pour faire une série d'actions (en mode texte essentiellement, par exemple Kraland), lire les forums et revenir plus tard.

De nos jours les jeux Online sont légion et les MMORPG sont plusieurs à envahir les rayons de jeux vidéo... ainsi que nos heures derrière l'ordinateur.


2. Un phénomène nouveau ?

Certes le jeu vidéo n'est pas un "fléau" récent. Nous entendons sur les media depuis très longtemps des histoires de parents qui n'en peuvent plus de voir leur enfant rivé derrière sa console ou son ordinateur. C'est un peu comme si l'on était passé d'activités saines il y a de nombreuses années (jeux en extérieur, lecture...) à des activités pouvant avoir un côté malsain comme la télévision, la console et l'Internet.

Le phénomène n'est donc pas réellement nouveau. Néanmoins, on peut se dire que lorsque l'on reste rivé sur la télévision ou la console, c'est souvent sur différentes émissions ou différents jeux. Mais WoW consomme à LUI SEUL la totalité des heures passées derrière son écran.

Et pendant ces multiples heures que le joueur passe IRL (In Real Life) derrière son écran, son personnage effectue également des actions très répétitives. Jouez à Need For Speed : si vous recommencez une course c'est que soit elle vous plait et vous voulez vous amuser dessus, soit vous n'avez pas encore réussi à battre l'ordinateur et vous devez donc progresser. Dans World of Warcraft, la dépendance nait très tôt : même quand vous savez faire quelque chose, eh bien il faut que vous recommenciez encore et encore pour obtenir un nouveau niveau, pour obtenir de l'argent qui vous permettra d'acheter un nouvel objet, etc.

Le temps même a valeur d'argent : pour se déplacer d'un point à un autre il faut courir ou utiliser des trajets aériens automatiques... pendant lesquels le joueur ne peut rien faire d'autre que bouger sa caméra. Et l'on perd ainsi facilement 5-10 minutes à chaque déplacement pendant lesquelles on ne peut pas réellement jouer. Certaines classes peuvent se téléporter à divers endroits, voire téléporter d'autres joueurs, et bien sûr, ces téléportations ne sont pas gratuites non plus... Si l'on était habitué à se concept de temps monayé, en revanche devoir le retrouver à l'intérieur du jeu est en lui-même assez frustrant. Surtout quand on sait que d'autres jeux à côté (Guild Wars par exemple) permettent de se téléporter instantanément d'une ville à une autre du jeu, et que c'était un concept plutôt récurrent dans la plupart des jeux d'utiliser ce téléport instantané entre deux zones très connues.

Jouer, c'est farmer en quelque sorte (effectuer la même action encore et encore). Et si l'on peut choisir de zapper lorsque l'on regarde la télévision, il est assez difficile de changer d'activité dans World of Warcraft, chaque action menant à un but que le joueur s'est fixé.


Il ne savait pas dans quelle galère il s'embarquait...

3. Le stuff

Le joueur cherche sans arrêt à améliorer son personnage, et finir un MMORPG devient très difficile. Au début, il s'agit de faire du levelling, qui se fait grâce à des quêtes données par certains PNJ (Personnages Non Joueur : ils sont gérés par l'ordinateur et ont des réactions fixées à l'avance) et par un massacre de monstres. Chaque fois que le personnage complète une quête ou tue un monstre, il acquiert de l'expérience, et lorsqu'il remplit sa barre d'expérience le joueur monte d'un niveau.

Une fois au niveau maximal, on peut se dire que le personnage n'a plus grand chose à acquérir. C'est en fait archifaux. L'atteinte du niveau maximal est pour lui l'occasion de se stuffer - c'est à dire qu'il va acquérir des nouveaux armements, de nouvelles armures mieux que les anciennes qui vont améliorer son personnage.

En admettant que finir le jeu soit simplement aboutir à un stuff qu'on s'est fixé à l'avance, c'est déjà très difficile. Par exemple, les boss lâchent des objets aléatoirement qui peuvent vous servir ou pas. Dans un jeu non Online, une technique assez connue consiste à sauvegarder juste avant le monstre en question et de le tuer jusqu'à ce qu'on ait de la chance. En Online, pas de sauvegarde possible : il faut aller retuer le monstre, la plupart du temps en devant repasser à travers des heures de jeu dans des donjons. La consommation du jeu est payante, il faut bien trouver des moyens de faire durer le plaisir... si ça en est toujours un au bout d'un certain temps d'ailleurs.

Certains joueurs entrent dans une véritable course à l'armement (tout rapport avec des événements réellement survenus entre deux puissances mondiales serait purement fortuit) où ils cherchent à gagner la compétition. Pour gagner cette compétition, il leur faut passer des heures et des heures derrière leur écran à effectuer les mêmes actions répétitives en vue d'acquérir les objets de leur désir - et qui leur vaudront une place de renom au sein de la microsociété des WoWiens.

Les objets sont classés en différentes catégories : les objets gris sont de piètre qualité et sont pour la plupart juste bons à être revendus à un marchand - imaginez vous des cartes autant éditées que des terrains de base mais sans intérêt propre. Les objets blancs sont de qualité très moyenne et peuvent pour la plupart être achetés à un marchand - ce sont des communes jouées faute de mieux. Ensuite les objets verts sont des uncos : mieux, mais peut encore mieux faire. Viennent ensuite les objets bleus qui sont rares. Ils commencent à être très bons, mais il existe également des objets violets (épiques) beaucoup plus rares mais largement atteignables avec un temps de jeu assez élevé sans sombrer dans l'excès. Quant aux objets de qualité encore supérieure, ils sont réservés aux HCG (HardCord Gamers : souvent assimilés à de véritables no-life, ils jouent, jouent, et jouent encore)

Si on arrive facilement à avoir des objets verts qui sont des récompenses de quêtes ainsi que quelques objets bleus, en revanche obtenir un objet bleu donné est souvent l'aboutissement de plusieurs dizaines de tentatives successives sur un boss donné. Effectivement la plupart des drop rate (chances que le boss donne un objet donné) des objets bleus sont de l'ordre de 3 à 12%. On voit bien alors que sauf chance extrême, on est bon pour quelques tours. Et je ne parle ici même pas des objets que l'on ne peut trouver dans des donjons à 40 personnes et pour lesquels il s'agit de se mettre d'accord avec d'autres pour établir une sorte de roulement...



II. Le facteur humain


Il faut se rendre compte que la confrontation du joueur avec d'autres être humains est un élément très addictif. Lorsque vous jouez à un jeu de rôles non Online, vous avez au bout d'un certain temps fini le jeu. Vous avez ramassé tous les objets, tué tous les monstres, appris tous les sorts... l'amusement finit par se ternir.

Dans un MMORPG, vous pouvez recommencer la même chose, mais ce sera avec des gens différents, une nouvelle vision d'une chose que vous pensiez entièrement acquise peut vous tomber dessus...

1. L'addiction par copinage

Arrivé au niveau 60, le joueur peut, lorsqu'il commence à être correctement stuffé, espérer accéder au contenu High-End du jeu. Ce sont des donjons plutôt difficiles prévus pour 20 à 40 personnes. Les donjons à 40 joueurs (maximum de joueurs pouvant être ensemble dans un groupe) prennent du temps et surtout demandent une organisation et de la motivation. Il s'agit d'être présents plusieurs fois par semaine pendant toute la soirée, à partir de 20h et jusqu'à minuit 1h du matin. Et ce pour pouvoir avancer avec votre groupe, avoir des objets (épiques tout de même, parce que c'est en raid et que c'est un poil difficile), et la satisfaction de tuer des boss du jeu.

On s'entend très souvent dire que l'on peut choisir de jouer ou pas à World of Warcraft. Il faut savoir qu'arrivés à haut niveau, de nombreux joueurs entrent dans ce que l'on appelle une guilde. C'est un rassemblement de joueurs qui disposent d'un canal de chat dédié et qui jouent ensemble dans les donjons de haut niveau pour pouvoir espérer tuer les gros boss du jeu. La plupart de ces joueurs vous répondront qu'ils se sont déjà bien investis dans leur guilde et qu'ils ne peuvent pas la lâcher comme ça du jour au lendemain. Des tas d'heures passées à 40 joueurs réunis pour tuer des boss de plus en plus intéressants, et du jour au lendemain vous partiriez ? Imaginez que vous soyez le maillon d'une quelconque association, y jouant votre rôle. Un certain engagement tacite, moral, vous conjure à y rester sauf obligations très fortes. Et qu'y a-t-il pour contrebalancer le poids de WoW ? La vie de famille, elle parfaitement conciliable avec WoW pour peu que vous soyez un minimum intelligent et que vous partagiez votre temps intelligemment. Le boulot, qui est normalement à des heures différentes du jeu.

Dans l'expérience que j'ai de la guilde à laquelle j'appartiens, je n'ai connu que très peu de joueurs ayant arrêté de jouer à cause de ces contraintes de jeu à 40. Seul un joueur ayant goûté à cette partie du jeu a arrêté, et je dois avouer qu'il n'y goutait qu'occasionnellement du fait de ses contraintes IRL. Venant assez rarement avec nous, un jour il nous a simplement annoncé qu'il comptait faire une bonne pause dans le jeu - sinon le quitter. Il est à noter que son choix a été tout à fait respecté.

Certains vont passer des heures et des heures à aider des gens qu'ils ne connaissent peut-être même pas dans le jeu. Quels bénéfices pour eux ? Pourquoi ? Eh bien simplement ces gens aiment rendre service et le jeu n'est peut être que la manière la plus adaptée qu'ils ont trouvé de rendre service. Il faut que ça soit le rôle de quelqu'un de tenir à jour un forum, d'aller lire diverses techniques à gauche et à droite, d'aider à faire les quêtes, d'instruire... C'est un acte gratifiant en soi que de donner son temps et de faire plaisir.


2. WoW : un jeu social

Nous parlions des interactions sociales du jeu en introduction. Le joueur est sans arrêt, au travers de canaux de chat, immergé dans un contexte social. Personne ne le jugera sur son apparence, sur ses échecs IRL : seuls comptent ses talents en tant que joueur ainsi que la façon dont il va se comporter dans le jeu.

Il est alors ô combien facile pour nombre d'entre nous d'aller se réfugier dans un contexte virtuel - pourquoi pas WoW - pour échapper à la dure réalité. L'addiction n'est sûrement pas alors à incomber au jeu, mais a des racines beaucoup plus profondes. Avez-vous déjà pensé à accuser la vigne d'une quelconque responsabilité face à la dépendance alcoolique ? L'herbe pour la dépendance à la drogue ? Votre buraliste pour le tabac ? Alors pourquoi accuser WoW d'une chose dont il n'est pas responsable...

Nous entendons parler à grands renforts de média d'un jeune chinois mort de fatigue derrière son écran, de jeunes mis sous surveillance psychologique - et cela même en France, chez nous, ce n'est plus quelque chose réservé aux chinois comme le veut la caricature. Nous lisons à droite, à gauche des posts, des articles de gens qui croient avoir la science infuse face au problème de cyberdépendance. Eh bien j'estime que l'on devrait également présenter des témoignages de joueurs sachant garder un contact sain face au jeu, et qu'il est bien trop facile de s'en prendre au jeu.

Certes, un adolescent de 12-17 ans sera plus vulnérable à une addiction face au jeu car il n'est pas encore responsable. J'ai personnellement été un adolescent de 12-17 ans. Je vous l'assure. Et quand c'était l'heure de dormir, il s'agissait d'aller dormir ou sinon c'était les représailles immédiates. Privation de PC, d'argent de poche - déjà presque inexistant au passage. Bon nombre de gens vous diront la même chose - ou alors je vis au milieu de gens dont les parents sont tous des pères fouettards, hypothèse que je pense pouvoir rejeter. Et c'est effectivement aux parents de fixer une limite, avant que l'addiction ne soit trop forte. Si l'on ne peut pas jouer, comment peut bien naitre l'addiction je vous le demande ? Alors qu'on arrête un peu d'accuser le jeu quand c'est l'éducation parentale qui est en cause. J'ai envie d'ouvrir à ce sujet une brève parenthèse sur le rôle parental qui est souvent plutôt mal joué, je pense à tout ce qu'on veut faire porter à l'école quand ce sont les parents qui sont responsables - jolie blague que l'éducation nationale alors que "instruction nationale" serait plus à propos... le gros problème étant les heures sombres que cette dénomination rappelle - mais j'ai bien peur une fois de plus de partir bien trop loin du sujet initial pendant trop longtemps.


3. Le PvP

Le PvP expliqué aux N@@bZ

Si comme on l'a vu il existe une expérience déjà addictive qu'est le PvE (Player versus Environment : le joueur seul ou en groupe combattant contre les monstres gérés par l'ordinateur), on constate une véritable dépendance vis à vis du PvP (Player versus Player). Ici plus question d'avoir de la chance et d'avoir son objet en 2 ou 3 donjons, il s'agit de tuer, tuer et encore tuer du joueur adverse pour avoir des points d'honneur. En fonction de son classement chaque semaine, le joueur monte en grade ou en descend. Il y a 14 grades différents, sachant que seul un joueur par serveur par semaine peut postuler au 14e grade, 3-4 joueurs au 13e grade, etc. Pour monter au grade le plus élevé, en partant du grade le plus bas, il faut environ 3-4 mois à raison de plus de 13 heures par jour. Il est exclus de jouer moins par semaine en se disant qu'on sera bon pour quelques mois de plus. Effectivement on sera moins bien classé sur le serveur et on ne montera donc pas du tout en grade à partir d'un certain moment.

Etant données les contraintes, une technique très courante est le prêt de compte. C'est formellement interdit par les chartes de Blizzard, mais en pratique régulièrement utilisé pour essayer de monter en grade plus rapidement. Je vous passe les détails sur les délations de joueurs sur d'autres pour obtenir un ban du joueur dénoncé et donc passer au dessus de lui en grade... D'autres joueurs prennent des congés pour finir leur ascension ou profitent de vacances pour mettre le paquet.

Course au stuff, honneur, gloire... on croirait un roman télévisé mais c'est bel et bien les motivations de tels joueurs. Et seuls certains arriveront au bout... mais ce n'est pas sans risques.


Un champ de bataille où règnent les joueurs

Un système très addictif, trop addictif

Je vous enjoins à lire ces deux témoignages, le premier d'un joueur de ma guilde que je côtoie donc tous les jours, et le second un peu plus vindicatif que j'ai trouvé sur les forums de WoW.

Ce système de PvP est l'une des causes majeures de l'addiction dans WoW. Les multiples témoignages de gens sur les forums se plaignant du système - tout en continuant à jouer - en est la meilleure preuve. Le système d'honneur selon World of Warcraft a été conçu pour rendre les joueurs dépendants au jeu, et ainsi augmenter les rentrées financières de Blizzard.

Même si tout le monde n'est pas en accord avec ce type de pratiques commerciales, il est difficile de les interdire : (presque) toutes les entreprises qui vendent des biens ou des services font de même.

Par contre, on peut trouver à redire sur l'aspect malsain du système de PvP. En effet, il incite fortement à se comporter de manière extrême, voire dangereuse. Entendons-nous bien, le problème n'est pas d'avoir à tuer des joueurs en face comme le dénoncent certaines associations de parents outre-Atlantique, mais uniquement du système de score. On pourrait très bien être dans un jeu de tétris où il s'agirait de faire le plus de lignes possibles d'affilée, le système de score serait tout aussi malsain, et pourrait conduire certains joueurs à ne pas manger pendant 15 jours pour battre le record du million de lignes établi précédemment (en caricaturant à peine).

Les témoignages montrent que, pour arriver au grade 14, les joueurs s'infligent des conditions de vie plus que déplorables : ne pas dormir, ne pas manger, ne pas aller travailler, etc. Cette épreuve est si épuisante, physiquement mais surtout moralement, qu'une bonne moitié des joueurs ayant atteint les grades 13 ou 14 semble arrêter définitivement le jeu juste après... et ce sont les seuls.

Des solutions pertinentes ?

Pourquoi une telle cruauté de la part de Blizzard ? Le problème est connu, évoqué par de nombreux joueurs sur les forums, mais la compagnie ne fait rien. Pourtant, rien ne les empêcherait d'assouplir le système de récompenses. Par exemple, en donnant accès à tous les objets de fin de PvP à partir de grades plus accessibles (grade 12 par exemple), mais à des prix beaucoup plus élevés, pour garder un peu d'intérêt à être grade 13 ou 14. L'idée serait de copier ce qui est fait pour les montures épiques, qui coûtent 90 PO au lieu de 800 quand on est grade 11.

On pourrait même autoriser les joueurs grades 13 et 14 à personnaliser leurs objets, par exemple en changeant leur couleur, leur skin, ou bien en écrivant leur nom dessus ; les possibilités ne manquent pas.

En appliquant ce nouveau système, pourtant loin d'être parfait, Blizzard ne perdrait aucun client mais éviterait certainement le départ de grades 13 et 14, des joueurs confirmés qui leur feront de la mauvaise publicité en partant.

On pourrait objecter que le choix de se soumettre à ce système pernicieux incombe au seul joueur, qui est libre d'arrêter quand il le désire. Cependant, tous les individus ne sont pas égaux devant le phénomène de la dépendance, de même que certaines personnes sont accros à la roulette et prêtes à y laisser leur chemise, même si ce n'est pas le cas de tout le monde. Autant la loi interdit de dépenser l'argent qu'on n'a pas, autant il est plus difficile d'interdire le suicide par privation alimentaire. Cet exemple peut sembler extrême, mais la presse commence à mentionner des cas très graves de dépendance à Internet ou aux jeux vidéo. Parents et enfants restent mal informés des dangers encourrus.

Blizzard a donc une part certaine de responsabilité dans cette affaire. Cette situation est d'autant plus incompréhensible que l'entreprise ne pourrait qu'y gagner à assainir son système de PvP, comme de nombreux de joueurs le demandent. Et je laisse de côté les joueurs arrivés au grade 14 qui se rendent compte que certains équipements trouvés dans le PvE sont meilleurs que le leur...

Le système d'honneur selon World of Warcraft permet à court terme de tenir des joueurs en haleine sur le jeu. A mon humble avis, si les gens prenaient conscience de ce que cela implique, ils devraient massivement quitter le système. Devant une grêve générale du PvP, Blizzard serait obligé de revoir sa copie.


De ces différents points de vue on peut voir que le système de reconnaissance dans World of Warcraft est très partial. Les joueurs se basent sur des 'signes extérieurs de richesse' Oh regarde il est full set PvP comme il a dû jouer beaucoup ! et non sur le véritable talent du joueur. Une fois atteint ces objectifs et portant ces items épiques super classe, le joueur s'est fait un renom, il a la gloriole pour lui... ce que beaucoup de joueurs cherchent à travers le jeu. En effet il est très difficile de se forger une place dans notre société, alors que dans World of Warcraft c'est la facilité même : un singe pourrait être aux commandes de l'ordinateur, si tout ce qui compte c'est de jouer beaucoup pour avoir de bons objets.

Imaginez vous une partie de Counter-Strike où le joueur qui a le plus joué commence directement avec un Desert Eagle face au joueur novice qui n'aurait qu'un arc pour seule arme. Qui va gagner selon vous ? Cela vous parait-il juste ? Des jeux comme le Go montrent clairement que non, en favorisant avec des pierres d'avance celui qui a un rang moins élevé.

Si le système de reconnaissance basé sur le stuff - prépondérant - est donc plutôt une mauvaise chose, en revanche il n'est pas rare de se faire un nom grâce à ses talents humains. Un bon chef de guilde, un bon officier, un bon leader en instance sera toujours remercié par ses coéquipiers et en tirera un bénéfice immense, et un bénéfice direct : il n'a pas besoin d'être récompensé par d'hypothétiques armures arrivant après des mois de jeu, il a directement les accueils chalereux de ses partenaires de jeu. Et cela n'a pas de prix.



III. Une limite où fixer la dépendance ?


1. Une limite floue

La limite est difficile à placer. Un article d'Overgame explique qu'on est cyberdépendant quand on commence à organiser sa vie à partir des contraintes du jeu (se réunir à 40 pour aller tuer des boss, etc.) au lieu d'organiser son temps de jeu en fonction de ses contraintes IRL (sorties entre amis, s'occuper de son / sa conjoint(e), etc.) et j'avoue être assez d'accord.

J'ai récemment découvert un petit test - que je trouve complètement bidon ceci dit - sur la cyberdépendance. Si la plupart des questions et des réponses me semblent trop faciles, en revanche il est certain que se fixer certaines limites et les respecter semble un bon choix et montre une certaine distance prise face à la cyber-réalité.

Je suis le premier à le reconnaître, il m'est déjà arrivé d'embarquer mon assiette de dîner seul devant mon PC alors que mon colocataire et un pote mangeaient dans la cuisine à deux pas. De même il m'est déjà arrivé de ne pas sortir du week-end, en dépit du beau temps, pour jouer à World of Warcraft. La notion de dépassement de soi est très liée à ces comportements. Je veux atteindre un objectif et me donne à fond pour y arriver. Une fois un objectif atteint un autre pointe le bout de son nez... World of Warcraft n'est pas le premier jeu du genre, et la notion de farming y est très présente. Une fois un farming terminé on en commence un autre, on aide un autre joueur à faire une quête qu'il n'arrive pas à faire, on discute... et on se rend compte qu'il est déjà la fin de la journée et on commence à se poser des questions.

Si vous préférez rencontrer vos connaissances en jeu plutôt que passer une soirée entre amis ou avec votre moitié, il serait effectivement bon de se poser des questions également. Je ne caricature ici pas, je connais personnellement quelqu'un qui ne voit plus personne depuis un an environ, et qui est à l'heure actuelle sûrement en train de louper son année d'agrégation à cause de la place que WoW a prise dans son univers.


2. Du temps non maitrisé

Le plus sûr moyen de se limiter est de se fixer des objectifs à tenir. Par exemple, de ne pas dépasser un certain quota d'heures de jeu, se fixer une limite au-delà de laquelle on va se coucher, etc. ça a l'air simple comme ça pour quelqu'un qui n'est pas plongé dans le jeu, mais voyez par vous-même ce court témoignage d'une personne a priori saine de corps et d'esprit.

Pour beaucoup de gens, ce genre de limites est impossible à fixer - sauf si des contraintes IRL telles que l'heure du repas entrent en compte. Des joueurs ayant découvert WoW simplement pour ses graphismes avouent être complètement envahis par le jeu à peine l'ayant testé.

Certes me direz-vous, seuls des jeunes irresponsables sont dans l'incapacité de se contrôler. Eh bien détrompez vous... une connaissance dans le jeu que je voyais de moins en moins souvent m'a expliqué que son frère et lui avaient fait découvrir le jeu à leur mère qui se posait des questions quant au temps que ses fistons passaient sur le jeu... et leur mère tout simplement leur a raflé l'ordinateur pour jouer dès qu'elle avait un moment de libre.

Pour nous occidentaux, la caricature même est le joueur asiatique comme je l'ai déjà mentionné. La presse nous en donne pour notre bonne conscience en nous montrant sans arrêt des cas de Chinois morts d'inanition après 50 heures de jeu consécutives, etc. On peut parler d'une overdose réseau effectivement chez beaucoup de joueurs chinois. Mais ouvrons un peu les yeux. Le phénomène s'étend largement chez nous et les cyber-chose où la connexion internet est à louer sont légion à accueillir des jeunes pour les laisser jouer. A ce tarif là, c'est presque un job à plein temps. Et comme toute activité trop prenante, elle peut entrainer des malaises psychiatriques, comme l'explique cet extrait de Sud-Ouest Dimanche.

Elle est bien loin l'ère où l'on cherchait à s'évader de la réalité dans la musique, voire l'herbe, des années 70... maintenant on cherche à s'évader dans les univers virtuels, et ce n'est pas dit que ça soit mieux...


3. Du temps pas forcément mal utilisé

Alors certes on passe du temps, beaucoup de temps, trop de temps sur le jeu. Du temps qu'on pourrait passer certainement à d'autres choses. La comparaison est certes contestable, mais regardez un athlète de haut niveau. Lui diriez-vous qu'il passe trop de temps à faire du sport et qu'il ferait bien de faire un peu autre chose ?

Dans World of Warcraft, le même genre de chose se met en oeuvre. Si on veut aller au coeur du jeu, dans les recoins les plus difficiles - et par là même intéressants - il faut se donner à fond. On ne peut pas jouer à World of Warcraft 'à moitié' en espérant un jour arriver au bout du jeu.

Le contenu du jeu est très vaste, et le parcourir à fond permet très souvent de devenir un élément pilier de la guilde à laquelle on appartient. Ca n'a l'air de rien, mais gérer une guilde qui a fini les donjons les plus difficiles du jeu, ça veut dire quelque chose. Que ce soit humainement parlant, ou en termes de réactivité, de gestion de conflits (car il y en aura dans l'immense majorité des guildes, pour une raison X ou Y...), etc.

Dans la vie réelle, un échec dans quelque domaine que ce soit est souvent assez rebutant. Effectivement l'échec est plutôt peu fréquent et donc mal perçu (oh le vilain, il ne rentre pas dans le moule). Dans WoW, je dirais que l'échec fait partie du jeu. Or, ne dit on pas que l'on apprend de ses erreurs ? J'en suis personnellement parfaitement persuadé. Ainsi l'apprentissage dans WoW se fait extrêmement rapidement - pour peu que l'on ait un esprit plutôt réactif. Chercher des joueurs pour partager une quête, gérer des problèmes, trouver des petits plus à gauche à droite... c'est la vie courante du joueur de haut niveau investi dans son 'groupe de travail'.

Wired Magazine présente l'exemple de Stephen Gillett, ingénieur à Yahoo ayant obtenu son poste après avoir mis en avant son investissement dans une des plus grosses guildes américaines... Ca fait rêver non ?



C'est mignon, mais un peu sombre finalement...


Ainsi World of Warcraft apporte clairement une addiction. Ce n'est pas nouveau, comme pour tout produit qui rapporte de l'argent sur l'utilisation, il est fait pour durer. Si - et je crois l'avoir montré - le système de PvP est clairement à remettre en question, en revanche pour le reste je pense que c'est avant tout au joueur qu'incombe la faute de l'addiction. Réveillez-vous un peu, si vous délaissez votre vie privée, votre boulot pour aller rejoindre World of Warcraft, c'est que le problème vient quand même un peu de votre personne, pas du jeu. Si l'alcool était la cause de l'alcoolisme, nous serions tous à interner - moi le premier. Eh bien il en va de même pour World of Warcraft. Certaines personnes seront plus à même que d'autres de sombrer dans la dépendance, et c'est le rôle des parents, des amis etc. de leur 'montrer le droit chemin' en leur expliquant les écueils vers lesquels ils risquent de se diriger.

Personnellement, World of Warcraft est pour moi un véritable passe-temps. Si je n'ai rien à faire, je vais me connecter illico presto et passer facilement plusieurs heures à la suite derrière mon ordinateur - tout en faisant moult alt/tab pour consulter internet, écouter de la musique etc. Lorsque j'ai mieux à faire - organisation d'une soirée, club impro, Magic-Ville etc. - je m'empresse d'oublier World of Warcraft pour d'autres activités. Et si je passe énormément de temps derrière le jeu, je peux dire que je suis conscient des tenants et des aboutissements. En revanche un joueur averti en vaut deux, et ne pas être conscient de tout ce que le jeu peut représenter peut clairement entrainer des dérives regrettables.

Si mon article a pu vous dégoûter de jouer à WoW vous gagnerez certes du temps, mais vous perdrez une expérience unique des jeux en ligne. Pour ma part, je pense sincèrement que mon temps de jeu m'a été très bénéfique, ayant essayé de ne pas être passif face au jeu pour en tirer un maximum de plaisir et d'expérience.

Ceci étant dit, j'espère avoir été le plus objectif possible sur le sujet, et vous enjoins, genre, à cliquer un peu plus bas pour en débattre.



Yann Barsamian pour MV news






Annexe - Glossaire


Même si j'ai essayé de détailler les définitions au fur et à mesure, c'est le genre de choses toujours utiles ;-)

Drop : C'est une autre terminologie pour le loot. Ici on se place du point de vue du monstre qui 'lâche' (to drop) son objet quand il meurt.

JDR : Jeu de rôles. Vous savez, le genre de truc complètement sataniste pendant lequel des jeunes gens se réunissent pour élire qui ira piller les tombes juives au soir.

GN : Grandeur Nature. Le joueur se déguise et participe à un scénario souvent sur plusieurs jours... en grandeur nature.

HCG : Hard Core Gamer : ce monsieur passe sa matinée à dormir, son après midi à jouer et sa nuit à jouer. Accessoirement il avale quelque chose de temps en temps, quand il y pense.

IG : In Game : décrit quelque chose qui se passe dans le jeu, par opposition à

IRL : In Real Life : décrit quelque chose qui se passe dans le vrai monde avec des vraies personnes en chair et en os (la plupart du temps).

Loot : C'est un objet qui est ramassé (to loot) sur les monstres. Après les avoir tué on peut effectivement fouiller leurs corps pour y trouver différents trésors. A l'instar du Détrousseur ondin, c'est un peu le vol qu'on opère. Certes, c'est mal de voler, mais le monstre est mort, on va pas non plus laisser le butin qu'il portait se décomposer dans la nature.

MJ (Maitre du jeu) : Quand on joue un jeu papier, c'est celui qui dirige le scénario et qui connait les monstres, demande aux joueurs d'effectuer des lancers de dé pour savoir si l'action réussit ou pas, etc. Dans WoW, ce sont des gens capables de pallier les petits bugs qui peuvent se produire dans le jeu et qui essayent de répondre aux attente des joueurs IG (In Game : dans le jeu). Il s'agit de ne pas les confondre avec les développeurs qui ont la tâche d'ajouter du contenu au jeu de temps en temps en fonction des demandes qui leur sont parvenues aux oreilles.

MMORPG : Jeu de rôle en ligne massivement multi-joueur. En clair, y'a plein de gens ! C'est un peu le thème de l'article et expliqué en introduction ;-)

Mob : De l'anglais foule, ça désigne un monstre.

PJ / PNJ : Personnage Joueur géré par un être humain / Personnage Non Joueur géré par le maitre du jeu dans le cas d'un JDR papier ou par l'ordinateur dans le cas de jeu sur ordinateur.

PO : Fleuve d'Italie, c'est aussi une abréviation pour Pièce d'Or, monnaie utilisée dans de nombreux jeux de rôle.

Stuff : C'est l'équipement d'un personnage, qui lui donne des bonus.

WoW : Interjection. Exemple d'utilisation : 'Wow, il est bien ton jeu !'



1 : Bizarrement, le joueur étant ce qu'il est, il n'est pas rare de croiser des personnages féminins pour le skin. Eh oui, c'est quand même plus joli de mater une belle trollesse qu'un pauvre gros tauren, avouons le.

2 : Sur la mort persistante des personnages, voir ce lien.



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