Hello,
Le sujet est intéressant (bons, les sujets vu toutes les directions des débats), et je le prends un peu tard, du coup je vais donner de petits bouts d'infos décousus, avec possibilité de développer si ça intéresse, et en particulier quelques éléments historiques pas toujours très connus.
1) L'automatisation (et plus globalement les progrès techniques) générerait du chômage structurel : très difficile à prouver. La question est posée de manière répétitive depuis au moins la première révolution industrielle. Il y a eu en particulier la révolte des luddites en 1811, où les ouvriers du textiles cassaient des machines pour tenter de préserver leur emploi. Ce qu'on sait, c'est que le progrès technique génère des frictions dans l'emploi, et qu'en particulier les personnes les plus âgées dont le job devient obsolète ont du mal à se reconvertir (et là encore c'est une tendance de fond, pas juste une question d'informatique aujourd'hui). Cependant à long terme, il n'y a rien qui montre que le chômage structurel progresse, des pays bien plus automatisés et robotisés que nous comme l'Allemagne ou la Corée du Sud ont des taux de chômage très inférieurs, et certains estiment que l'automatisation efficace réduit l'intérêt des délocalisations. Source très synthétique :
https://www.contrepoints.org/2018/09/15/325158-plus-de-robots-cest-plu...
Mon impression sur le sujet est que le niveau d'automatisation est un facteur nettement moins important sur l'évolution du taux de chômage que la qualité et la pertinence des formations, et la facilité à entreprendre. Et que ça permet sur le long terme une vraie réduction du temps de travail avec gain d'efficience, ce qui est assez profitable à tout le monde.
2) Les produits agricoles cheaps sont dus aux subventions : je vous suggère d'aller regarder le cas néo-zélandais. Grosse réforme au milieu des années 80, suppression brutale et quasi-totale des subventions agricoles (qui étaient similaires aux nôtres). Les observateurs prédisaient un chaos et des faillites monstres, mais en très peu de temps la situation s'est nettement améliorée pour les agriculteurs, sans augmentation des faillites. Avec progrès en terme de sécurité alimentaire et d'impact environnemental (même si il y aurait sûrement discussion possible sur le sujet, vu tout ce qu'on peut mettre derrière cette notion). Synthèse du sujet ici :
https://ml2d.fr/en-nouvelle-zelande-les-agriculteurs-ne-veulent-pas-de...
3) Qu'est-ce qui se passe quand l'état file de l'argent massivement ? Une distorsion des prix, l'exemple le plus frappant étant les APL, qui ont fait nettement augmenter les loyers. Même problème pour la facilité artificielle d'accès aux prêts, qui est un facteur majeur de la hausse des prix des logements (il y en a d'autres, les normes de construction par exemple). Et du coup ça fait arbitrairement des gagnants et des perdants, parce que cet argent injecté n'est pas du tout capté équitablement par tous les secteurs de la société. En conséquence, les gens se battent pour l'accès au pouvoir à coup de mesures démagogiques et de lobbying, parce que c'est rentable. Quand le producteur dépense plus d'énergie à chercher des subventions et à faire pression pour obtenir des avantages légaux qu'à améliorer son produit ou son service, à long terme tout le monde y perd.
4) Le revenu universel remplacera toute autre forme de subvention ou allocation : en théorie, certes, et ce serait un argument intéressant en sa faveur. En pratique, quelqu'un croit vraiment que les politiciens français résisteraient à la reconstruction d'une usine à gaz ? Parce qu'évidemment c'est universel, mais les handicapés doivent avoir un bonus. Et les boulots pénibles. Et les jeunes en reprise de formation. Et les [insert random profession bien syndiquée capable de faire une grève impactante] doivent toucher une prime supplémentaire s'ils quittent leur job. Bref, l'aspect universel n'a aucune chance de résister à la tentation démagogique.
5) Le RU ne marchera que s'il est mondial. Possible, le problème c'est que si les autres (en Asie par exemple) sont motivés pour bosser comme des brutes pendant qu'on réclame la possibilité de pouvoir glandouiller à volonté (note : je ne dis pas que plus personne ne bosserait avec un RU, juste que certains feraient ce choix, et d'autres réduiraient leur activité), les écarts vont se creuser, et il y a un vrai risque que les gens motivés et créatifs se barrent pour aller là où on leur permet de bosser sans être écrasés de taxes. Et ça a déjà commencé, ces dernières années il y a plusieurs milliers de millionnaires qui partent de France chaque année, et très peu qui arrivent (source :
https://www.bforbank.com/mag/budget/la-france--champion-de-lexport-de-.... A voir combien de temps un système redistributif peut tenir quand les payeurs s'en vont. Le risque (difficile à mesurer) existe aussi que des pays plus dynamiques et n'ayant pas les mêmes valeurs que nous puissent décider de profiter de notre faiblesse perçue (certains diraient décadence) pour se montrer plus agressifs, ce qui nous forcerait à revoir nos priorités.
6) L'état devrait créer des emplois pour réduire le chômage : la vraie question cachée, c'est "qu'est-ce que ça coûte quand l'état créé des emplois ?". Une des tentatives pas assez connues en France (pour éviter de parler des succès mitigés de l'URSS) sont les Ateliers Nationaux (1848), où le but était de donner de l'emploi à tout le monde, à tout prix et sans tenir compte des compétences. Ils sont restés ouverts à peine 3 mois avant que le gaspillage de ressources et l'absurdité poussent à leur fermeture. Résumé bref ici (les causes profondes de l'échec demeurent évidemment soumises à des débats complexes):
https://www.herodote.net/27_fevrier_1848-evenement-18480227.php
Pour ceux qui auraient un peu de temps à passer pour creuser le fond de ces questions (concernant les effets de l'intervention étatique dans l'économie), je recommande beaucoup l’œuvre de Frédéric Bastiat, économiste français du XIXème. En particulier ces deux textes, plutôt accessibles malgré un style un peu soutenu :
http://bastiat.org/fr/cqovecqonvp.html, et
http://bastiat.org/fr/secusoc.html (écrit en 1850, prédit avec une précision impressionnante toutes les étapes futures du développement et des limites de la sécurité sociale).