"jeandoozz" a écrit :
La croyance même en l'existence d'une science "pure" est une construction imaginaire. Du coup, lorsque tu dis
"fido" a écrit :
Mon présupposé n'est donc pas qu'il n'y a pas de l'idéologie à l’œuvre dans le petit monde merveilleux de la science; mon présupposé est qu'il ne doit pas y en avoir.
Tu oublies un présupposé : celui qui dit qu'il existe une science transcendante. Dieu, en fait.
Ce que tu appelles "Dieu", je l'appelle une
idée directrice.
En rattachant une telle idée au domaine de la croyance/religion (par ton emploi du mot "Dieu"), on peut dire d'une part que tu tends vers le sophisme (entendu que, dans un débat autour de la science, la
Reductio ad Hitlerum se confond certainement avec la
Reductio ad Deus), mais on peut dire aussi, d'autre part, que ton rapprochement n'est pas entièrement injustifié. Car, effectivement, une telle idée directrice ne découle pas - et ne peut pas découler - de l'observation empirique. Pourquoi ne le peut-elle pas ? Parce que l'observation ne donne jamais qu'une suite de faits, alors que l'idée qui stipule que la science
doit être pure,
doit être débarrassée de l'arbitraire humain, est prescriptive. C'est la distinction classique entre "être" et "devoir être". Et on en revient à ce qui a déjà été dit plus haut.
Avançons.
J'ai posé que cette croyance en une science "pure" ne relevait pas du domaine empirique (puisqu'il s'agit, je le répète, d'un principe normatif).
Toi, tu affirmes que cette croyance en une science "pure" est une construction imaginaire.
Je te demande :
comment prouves-tu cette affirmation ?
Vas-tu répondre par un constat de fait (du type : "nous constatons qu'il n'existe nulle part, à l'heure actuelle, une telle science "pure" dans les faits") ? Si c'est le cas, ce constat vaut pour le jour J - comme tous les constats de faits -, et il ne permet pas de t'engager sur le futur. (On ne peut, par définition, que constater des faits survenus, et non pas des faits pas encore survenus.)
Du coup, est-ce ta croyance personnelle (ou peut-être tes croyances religieuses ?) qui te fait dire que l'idée d'une science "pure" relève de la croyance ? ;-)
L'idée d'une science "pure", c'est-à-dire d'une science qui chercherait continuellement à avancer en mettant toujours plus de côté la subjectivité et l'arbitraire humains, peut certainement se justifier, au moins partiellement, sur une base rationnelle (la justification rationnelle ne se confondant pas avec la justification empirique/expérimentale), par exemple sur la base des résultats produits. C'est peut-être un horizon qui ne sera jamais atteint totalement, mais c'est un horizon qu'on aurait sans doute tord de démolir un peu trop vite en le rangeant dans le domaine des mythes et des Dieux. Car
s'il est entendu que Dieu est désormais une hypothèse dont la science n'a pas besoin, il n'est pas certain pour autant qu'elle puisse se passer de l'hypothèse de la science "pure".
"jeandoozz" a écrit :
Si demain un scientifique trouve la formule magique pour tuer son voisin en prononçant un mot, on publie au nom de la science ? ou on discute ?
Bonne question.
Mais
qui est ce "on", au fait ? Ce n'est pas une question piège, je voudrais vraiment qu'on me précise qui est ce "on" qui décide, ou non, d'une telle publication. Et si jamais il n'y a pas de publication suite à la décision de ce "on", est-ce que, du coup, ce "on" garde à sa disposition, pour lui seul, ou pour lui et ses potes, une formule magique qui permet de tuer qui il veut en un mot ?
Non parce que
je connais bien l'argument du "c'est pour votre bien !", mais en pratique, c'est souvent un argument qui fonctionne beaucoup moins bien lorsqu'on précise aux moutons que c'est le loup qui le dit...
"jeandoozz" a écrit :
Bref, je voulais juste rajouter un peu de complexité et je trouve super triste que ce qui en ressort finalement est la négation de toute complexité avec ta tirade conspirationniste finale...
Le conspirationnisme n'est pas la négation de la complexité, du moins dans l'idée. Bien au contraire, puisqu'il s'agit de ne pas s'en tenir à la Version Officielle, donc de ne pas s'en tenir à ce qui est donné immédiatement, facilement, tout le temps, et propagé partout. Ce sont sans doute là les mêmes instincts fondamentaux à l’œuvre que dans l'esprit scientifique : la recherche des rapports de causalité sous les phénomènes apparents.
Le juif, c'est l'atome du conspirationniste.
Le problème du conspirationnisme, ce n'est pas le but qu'il se propose d'atteindre (à savoir, comme Platon et sa caverne, découvrir et révéler la vérité sous les apparences), le problème, c'est la méthode employée. La logique élémentaire, les démonstrations probantes, les preuves factuelles, la réponse aux critiques et aux contre-arguments, la citation des sources, etc., tout ceci fait presque toujours défaut dans les théories conspirationnistes.
A cause de ce terrible et impardonnable manque de rigueur, on ne peut pas plus prendre au sérieux un conspirationniste que le premier journaliste venu.
"jeandoozz" a écrit :
"les scientifiques" sont empêtrés dans une multitudes de contraintes économiques, politiques, idéologiques, psychologiques, etc., n'implique pas automatiquement de hurler tous pourris.
Mais c'est d'abord EUX qui s’empêtrent tout seuls !
On ne peut pas, d'un côté, organiser des conférences sur le
gender au milieu d'un accélérateur de particules; censurer des travaux scientifiques au motif que l'auteur pense ceci ou cela de l'avortement, de la peine de mort, du mariage homosexuel, etc. (comme n'importe quel citoyen a le droit d'avoir son opinion sur les choses de la cité); recruter des scientifiques non sur leur mérite ou leurs travaux mais sur leur race ou leur classe sociale; bannir un chercheur à cause de sa foi; et ainsi de suite; et, de l'autre côté, ensuite, se plaindre que l'Institution Science est attaquée en retour par les camps idéologiques opposées !
Pour ce qui est de l'argent - le nerf de la guerre ! - une vaste politique de transparence est nécessaire. Plus encore, il faut des garde-fous. Parce que les études "scientifiques" sur le cancer financées par les marchands de tabac, n'est-ce pas, il est largement temps de cesser ce genre de farces.
C'est peut-être le plus grand cadeau et privilège offert par les sciences dures à ses hommes, à ses artisans, que celui de pouvoir travailler ensemble sur un terrain tout à fait neutre vis-à-vis du chaos des choses humaines. Être de gauche ou être de droite n'a strictement aucun impact sur le mouvement de l’électron, pas plus que sur sa compréhension.
C'est donc aux scientifiques eux-mêmes de protéger autant que possible la neutralité de leur territoire béni des Dieux... et s'ils n'y arrivent pas, tant pis pour eux... le Grand Jour, ils seront guillotinés en place publique avec les députés et les journalistes du Monde et du Figaro.