Coucou! Encore un post qui n'en finissait pas!
Le sujet m'a paru intéressant, si je peux apporter mon grain de sel...
Il ne faut pas oublier que les enfants sont d'abord de petits animaux qu'ils faut dresser, conduire, canaliser pour en faire des êtres humains. S'imagine-t-on qu'un enfant jamais frappé pourrait devenir autre chose qu'un bon à rien, un voyou, un gibier de potence, un mécréant, dans le meilleur des cas un épicurien curieux et sans ambition. Car, si on ne lui inculque pas par des moyens fermes, comment connaîtra-t-il les principes qui conduisent la société, les choses qu'on doit révérer et celles qu'on doit haïr, les choses qu'on doit trouver belles et celles qu'on va trouver laide, ce dont on doit parler et ce que l'on doit taire, ce qu'il faut vouloir, ce qu'il faut désirer, ce qu'on doit aimer, ce qu'on doit trouver mauvais? Autrement dit, comment deviendrait-il un être civilisé? Un enfant n'a aucune notion du bien et du mal, il pourrait indifféremment tuer père et mère si on ne le surveillait pas, car encore n'aurait-il pas l'intelligence de comprendre que sa nourriture dépend d'eux. La différence même des valeurs morales et civiles entre les différentes civilisations montre qu'elles n'ont rien de naturel et qu'il faut les faire rentrer d'une manière ou d'une autre dans la petite tête de l'enfant, car elles ne s'y trouvent pas déjà.
Les libertaires athées et épicuriens qui s'opposent aux fessées ne parviennent pas toujours, imparfaites autruches, à se voiler sur l'absurdité de leurs positions. Ils consentent parfois, de peur que leur mauvaise foi ne soit trop flagrante, à reconnaître qu'il y a des choses à transmettre aux enfants. Ils parlent de douceur, de raison, d'explication (alors que nous savons que certaines choses ne viennent pas de la raison, et que toute manière, tant qu'on ne la leur a pas inculquée, les enfants n'ont pas de raison).
Et quand enfin ils reconnaissent, du bout de leurs lèvres profanes (dont on ne préfère ne pas penser à tous ce qu'ils en font) que des punitions sont peut-être (oh! mais très rarement! oh! mais quasiment jamais!) peut-être (oh! tout de même! les pauvres chous!) peut-être nécessaires, ils invoquent le fait qu'on peut punir par d'autres voies que la violence physique. Allons donc! «D'ailleurs, disent-ils, n'a-t-on pas d'autres moyens de pression? Nos enfants n'ont-ils à craindre et à espérer de nous que nos coups ou notre indulgence? Que dirions-nous, un agent de police nous prenant en faute, il nous donnait en pleine ville et devant nos collègue une fessée cul nu?» Avant de démonter cette argumentation par le simple bon sens, observons que l'illustration de leur démonstration est mal choisie: il est déjà arrivé qu'un adulte soit fessé pour mauvais comportement (souvenez-vous de Thalamas). En outre, leur argument est par essence pernicieux. «Que dirions-nous?» Bien sûr, nous ne serions pas content, mais c'est dans la nature de la punition de ne pas être délectée. Enfin, et c'est là le point vraiment essentiel, comment peut-on comparer un adulte, responsable, réfléchi, qui doit affronter quotidiennement la cruauté du monde, avec un enfant, qui vit dans un monde sucré, idyllique, où tout lui est donné, où il n'a pas de comptes à rendre, où il n'a pas besoin de briller, où il n'a pas besoin d'être respecté, où il ne connaît pas le stress? A-t-elle une idée, cette petite créature irresponsable, de la pression qu'un adulte peut avoir sur ses épaules? Alors qu'on ne lui a pas appris l'importance d'être important, a-t-elle vraiment une idée de ce que c'est que la fierté, la dignité? Que voudrait-on faire, lui donner une contravention? Irait-on donner des contraventions à des chiots?
Et même les punitions non violentes que l'on inventeraient, auraient-elles l'impact immédiat, frappant, instantané de la fessée? La fessée frappe l'enfant par derrière, rendant toutes ses gesticulations, protestations, grimaces et pleurnicheries sans effet, sans portée, il ne peut même pas voir ce qu'il subit, la punition lui fait sentir toute son impuissance, son impossibilité d'agir contre la volonté de ses supérieurs parentaux, elle est la métaphore parfaite de la soumission qu'on attend de lui. Double bénéfice de la fessée: elle punit par la douleur, et elle humilie par l'impuissance.
En désespoir de cause, nos faiblards et sentimentaux contradicteurs ne trouvent plus qu'à reprocher à la fessée son efficacité même. Oui, elle punit si bien qu'elle traumatise. Allons donc. Les pauvres petits, ils sont traumatisés, maintenant. Dès qu'ils subissent la moindre contrariété, dès qu'on porte contre l'enfant-roi quelques propos non absolutistes, les dindons se mettent à glousser que le malheureux chéri va être traumatisé. Une fessée? Il sera traumatisé! Moins de chocolat? Il sera traumatisé! Obligation de travailler à l'école, de ne pas insulter l'instituteur? Il sera traumatisé! À ce compte-là, on devra bientôt les installer dans des chambres capitonnées individuelles avec une armée de domestiques pour les moindres désirs de Sa Majesté, et gare à celui qui ne lui trouve pas des framboises au mois de février, il sera dénoncé à la DDASS pour crime contre l'enfance. Soyons un peu sérieux! On ne peut pas être sans arrêt à prendre des gants pour s'inquiéter si l'affreux marmot qui vient de détruire le service en porcelaine de Saxe ne va pas s'émouvoir si on devait élever un murmure de protestation. D'ailleurs, les quelques lavettes dont le psychisme délicat ne supporte pas une bonne fessée formatrice n'aurait probablement jamais tenu le coup face aux vicissitudes de l'existence. Les guerres, autrefois, avaient le bon goût d'éliminer les gens trop frêles, ou de corps ou d'esprit. Trop de paix a cessé cette sélection naturelle. Alors on a de plus en plus de ces êtres chétifs, flasques, ni chair ni poisson, et on s'inquiète de savoir si les fessées qu'ils reçoivent enfant ne pourraient pas meurtrir leur délicatesse.
Du reste, l'argument de nos contradicteurs, au sujet de ce prétendu traumatisme psychologique, repose sur une généralisation abusive. Ils vont vous chercher quelques exemples disséminés de-ci de-là (comme par hasard dans des pays riches, tiens! tiens! quand on disait que c'était un symptôme du trop grand confort de notre vie présente) pour nous dire qu'il faudrait bannir à jamais les fessées de notre éducation, alors que depuis des millénaires, de génération en génération, les peuples du monde fessent en chœur leurs enfants. On voudrait nous faire renoncer à cette belle tradition immémoriale au nom de quelques inadaptés. Mais qu'ils retirent leurs ornières! Et qu'ils voient que s'il y a peut-être quelques faibles que les rares fessées de leur enfance ont traumatisés, beaucoup d'autres en ont gardé un bon souvenir. Une simple recherche sur Google du mot-clef «fessée» en convaincra n'importe qui. Et c'est ainsi que la fessée, moins rarement qu'on ne croit, outre qu'elle apprend la soumission et la crainte aux enfants, les éveille aussi moins rarement qu'on ne croit à l'érotisme.
«Mais cette seconde fois fut aussi la dernière; car mademoiselle Lambercier, s'étant aperçue à quelque signe que ce châtiment n'allait pas à son but, déclara qu'elle y renonçait, et qu'il la fatiguait trop.»
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