Tu as tout à fait raison de me reprocher mon pavé inutile.
Mon deux posts sont très confus. Cependant, je ne cherchai pas qu'à exprimer une médisance.
J'aurais dû dire ce que je pensai, ma conviction intime et mon argumentation, simplement et sans détour. Je n'ai pas toujours le réflexe.
Si éduquer les enfants consiste à les dresser, à leur faire adopter un comportement anti-naturel, comment peut-on continuer à faire des enfants?
Mais les enfants ne sont clairement pas de petits animaux. Ils sont très vite très sociaux, dotés de raison, de fierté.
Il ne manque pas d'exemples d'enfants très têtus déraisonnables. Cela constitue-t-il une réfutation? Non. Les enfants ne sont guère moins raisonnables que les adultes. En revanche, les adultes le sont beaucoup moins qu'on ne le croit. Si vous y réfléchissez, vous faites extrêmement peu usage de la raison. La plupart du temps, vous vous contentez de vous conformer à l'habitude, à l'usage. S'il fallait peser le pour et le contre pour chaque décision, on perdrait un temps fou. Mais en fait, on se contente d'appliquer, soit le fruit de ses propres raisonnements antérieurs, soit celui des raisonnements de quelqu'un d'autre. En particulier, nous sommes plus obéissant par habitude, pas par raison; en atteste le fait que quand la raison (et non le caprice) commanderait de désobéir, on est en général très, très lent à le comprendre (et encore, seulement quand on soumet la question à l'examen de notre raison, car souvent, on ne le fait même pas et on continue de se conformer à l'habitude).
Les jeunes enfants, eux, n'ont pas cette expérience que nous avons. Ils doivent donc être beaucoup plus raisonnables que nous.
Bien entendu, ça ne veut pas dire qu'il ne faille pas de punition, je ne me fais pas le tableau d'une enfance adorable qui par le simple miracle d'explications bien dispensées ne ferait que très peu de bêtises. Après tout, les adultes eux-mêmes sont l'habitude d'enfreindre les réglements et tester eux-aussi jusqu'où ils peuvent aller trop loin (et ce quand bien même ils comprennent le bien-fondé des réglements), et l'existence pour eux-aussi de punitions les aide à obéir aux contraintes. On ne voit alors pas pourquoi il en irait différemment pour les enfants.
Mais, alors que nous avons une prise sur les enfants bien plus puissante que les prises qui s'exercent sur nous, et bien que nous n'ayons pas besoin de punitions physiques, les enfants, eux, en auraient besoin. Est-on incapable de punir les enfants autrement? Alors que nous contrôlons la quasi-totalité de son univers et qu'ils nous aime plus fortement que tout? Je vais servir ton imagination. On peut:
-le priver de quelque chose (télé, dessert, histoire, jouets, etc.)
-lui donner un travail à effectuer
-l'enfermer dans sa chambre
Est-il si nécessaire d'éviter les fessées? Nous trouverions inadmissible qu'on les emploie sur nous-mêmes. Pourquoi pensons-nous que les enfants les toléreraient mieux? On a des enfants une vue assez idyllique, mais leur univers propre n'est pas moins cruel que le nôtre. Ils ont les mêmes problèmes que nous (stress, image publique, rivalités, possessivité affective, etc.) mais dans leurs codes à eux.
[Quand on les voit accorder une importance souveraine à ce qui nous paraît parfaitement inutile, c'est qu'ils se construisent leurs propres enjeux. Les adultes aussi savent attacher une grande valeur à des choses qui n'en ont intrinsèquement pas. L'existence de l'argent et des prix leur donne cependant une échelle extérieure (mais pas forcément juste) que les enfants n'ont pas. (Honnêtement, un black lotus a-t-il la valeur qu'on lui donne?)
Sans doute, les enfants sont-ils plus impulsifs, plus dans l'immédiateté que les adultes. Ils ont aussi plus de mal à apprécier les différences d'échelles (abstraites) mais là encore, je pense que c'est plus une question d'expérience que de raison. Ils sont têtus, mais il ne nous paraissent têtus que parce que ça concerne des choses que nous avons acceptées depuis longtemps. Même les adultes quand on leur explique quelque chose qu'ils ne veulent pas entendre mettent longtemps avant d'y croire. Et on voit souvent des adultes faire des erreurs d'appréciation qui, au spectateur averti, paraîtra particulièrement grossière et ridicule.]
La fessée est fortement humiliante pour l'enfant. Peut-elle le traumatiser? Oui. Le fait que beaucoup d'adultes en aient conservé le goût montre à quel point elle peut marquer les esprits. Des personnes qui ont été traumatisées, il y en a. Mais après tout, il ne faut parler que de ce qu'on connaît d'expérience. Ce qui m'amène au dernier point.
La fessée apprend à l'enfant à répondre à la contrariété par la violence. Si tu donnes un jour une fessée à ton enfant, et qu'un jour il ou elle se met à frapper son frère ou sa sœur en se justifiant après coup par «Il m'avait piqué mon jouet!», qu'est-ce que tu vas lui répondre? «Ce n'est pas une raison»? Va-t-il vraiment comprendre la différence entre les deux situations? Est-ce qu'il ne va pas simplement trouver que tu es injuste et que tu fais du favoritisme pour son frère? Il faudra alors s'attendre à d'autres disputes (car les enfants ne sont pas moins sujets que nous à la jalousie et la rancune), d'autres coups. Naturellement, après lui avoir dit plusieurs fois que ce n'était pas une raison, tu finiras par lui redonner une fessée. Je ne dis pas qu'il n'aura aucun sentimnt de culpabilité. Mais il aura aussi une jalousie et un sentiment d'injustice qui viendront atténuer sa culpabilité. (Car les êtres humains aiment bien mieux voir l'injustice dont ils se sentent victime que le blâme qu'ils ont mérité).
Voilà, j'ai fini. J'ai essayé d'aller à l'essentiel, mais c'est à nouveau un pavé. Je précise que, s'il y a une large part de réflexion abstraite (mais qui sert surtout à réfuter l'argument abstrait «Ce sont des petits animaux, il n'y a que ça qu'ils comprennent»), le gros du texte est très pragmatique, souvent étayé par ma propre expérience des enfants. En particulier, dans le dernier paragraphe, une telle situation n'est ni invraisemblable ni exceptionnelle.
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