La vermine Golgari
écrit par Martin Silvert


      Ce texte est la suite de L'offensive contre Selesnya.


Le silence régnait. Kirio remua imperceptiblement. Il n’arrivait pas a faire le tri dans ses idées : où était-il? Probablement à l’infirmerie de la caserne Boros en train de se faire soigner. Sa tempe le lança terriblement. Le jeune garçon se retourna et tomba sur quelque chose de dur qui craqua sous lui. Au prix d’un grand effort il ouvrit les yeux et compris où il était : il se trouvait sur les restes calcinés de son adversaire, devant le conclave, parmis les cadavres puants des saprobiontes et le sang écarlate coulant des corps sans vie de ses anciens camarades étripés, leurs entrailles chauffant au soleil qui commençait a répandre une horrible odeur. La douleur reprit et l’arracha à la contemplation des enchevêtrements de sang, chair et os qui l’entouraient de toutes part. Son crâne faisait atrocement souffrir le jeune garçon qui s’affala à nouveau totalement sur le sol, face contre terre. Cette blessure paraissait un calvaire pour lui, elle avait en fait été salvatrice.

Le silence fut rompu, des pas se firent entendre dans la rue, Kirio hésita à se révéler mais il préféra jeter un discret coup d’œil, ce qu’il vit le pétrifia net. Un groupe de zombies et d’elfes de l’ombre avançaient dans le champ de bataille. Bien qu’il n’en ait jamais vus, le garçon identifia immédiatement les membres de ce groupe comme les «recruteurs golgaris » appelés aussi les « réanimateurs de cadavres », leurs aspect ne laissait pas de doute, les elfes étaient vêtus de lourdes capes noires en lambeau et il ne restait rien de la beauté elfique sur leur visage émacié. Les autres étaient des cadavres, des morceaux de se qui avait été de la chaire humaine pendaient de leurs corps, leurs anciens habits les recouvraient toujours, mais ils étaient déchirés et souillés par la mort. On voyait même pour certains d’entre eux les os en-dessous de l’épaisse couche de crasse. En revanche, il y en avait un autre qui avait l’air en moins mauvais état que les autres, mais qui n’avait rien d’humain : une peau verdâtre serrait un crâne qui avait dû être celui d’un humain, des colliers en os pendaient de son coups et des marques de tatouage de sang coagulé formait des signes tribaux.



Kirio comprit alors qu’il n’avait que peu d’options, resté là allongé à terre jusqu'à ce que le groupe se rende compte qu’il n’était pas encore mort et arrange ce léger problème sur le champ. Ou bien se lever et essayer de fuir ce qui accélèrerait encore sa perte. Et la dernière solution n’était pas la plus facile, ni sûrement la moins douloureuse, ramasser une arme sur le champ de bataille et résister aussi longtemps que possible. Il regarda donc autour de lui pour chercher l’outil de mort qui l’aiderait à survivre le plus longtemps possible aux recruteurs golgaris. Il n’avait plus son épée, celle du bouvier avait été calcinée, il n’y avait qu’une lance, gisant à terre à portée de bras. Kirio se leva tout en s’emparant de la lance, et d’une rotation puissante décapita l’un des elfes. Aussitôt les golgaris se mirent en position de combat : les cadavres devant, les elfes et le mage à l’arrière. Le combat s’annonçait bien inégal.



Kiryo vit qu’il n’avait qu’une toute petite chance de survie, tuer le mage. Or, entre lui et ce dernier se tenait le groupe de zombies. Le garçon se jeta donc dans une charge désespérée contre ses ennemis pendant que les elfes déchus et le mage noir commençait une danse macabre. La lance tourbillonnait, se plantait pour défendre son nouveau possesseur. Celui-ci commençait à reprendre espoir, ses adversaires étaient moins forts qu’il ne l’avait cru ou alors la force du désespoir avait fait de lui un combattant hors pair. De plus, il avait déjà triomphé de la moitié de ses adversaires. Il se rapprochait inexorablement de son but, il décapita le dernier cadavre et allait pourfendre le mage lorsqu’il lança le sort qui atteignit le jeune garçon en pleine poitrine, l’envoyant rouler trois mètres plus loin.

Il essaya de se relever mais il ne le pouvait pas, le sortilège lui avait enlevé tout contrôle de son corps. Un elfe vint et le mit à genoux avant de rejoindre ce qui restait des recruteurs. Ceux-ci commencèrent alors une autre danse, différente de la première. Kiryo compris alors son destin, il allait être sacrifié pour faire de ses camarades des zombies tels ceux qu’il venait de terrasser. Cette idée le remplit d’une haine indescriptible mais il ne put jamais l’exprimer et il le savait. Alors il se mit à penser, à dériver dans les méandres de son esprit. Il allait mourir, il ne pouvait rien faire contre; il pensa à sa famille massacrée par les saprobiontes, à son engagement dans les Boros, à la guerre des guildes, il se demanda si tout cela avait vraiment un sens, les adversaires qu’il avait terrassé lors de la bataille, les elfes, les bouviers était comme lui, peut-être avaient-ils encore plus de raison de haïr les Boros que lui de haïr les Selesnyens. Alors il comprit le chaos qui régnait sur le monde. Le mage noir poussa un cri guttural, Kiryo ferma les yeux et accueillit presque avec joie les méandres de la mort.