Lotus
Chapitre V : Le fils de Dieu


      


RESUME : Une elfe et un guerrier tombent amoureux. Le sort se jouant d'eux, Dafunk possède la protection contre le vert et ne peut vivre d'idylle avec Lotus.

Qu'importe ! De vieux écrits affirment qu'il existe un sort mystérieux, aux confins du Royaume de Magicville, là où vivent les ondins, et l'Illusion, l'Hybride aux cents visages. Ce sort, c'est le Changement spectral, clef de leur amour impossible.

Vieil ami de la jeune femme, Bridou le cochon se fera accompagner de Frolll, son ange gardien, pour les rejoindre en quête.
Première obligation : traverser la forêt. Mais ce territoire n'est pas seulement celui des elfes. Un autre peuple y habite : les lutins, devant lesquels l'on ne peut mentir. Nos amis seront capturés, fin prêts à une exécution sommaire. Pas d'envahisseurs à Lutinland ! Trois nains envoyés par JMB pour les surveiller dans leur quête viendront à leur secours. Mais la Team [FLOOD] elle aussi sera des réjouissances. Tous promis à la mort, Dafunk interviendra, se fera passer pour un messager des dieux. Le seul charme vert contre lequel il ne peut rien est celui de Lotus. Lui peut mentir. Sus à la morosité ! Dansez la zoubida ! Ainsi peut-être pourront-ils poursuivre leur quête, au-delà d'eux-mêmes, au delà de tout.



CHAPITRE V - LE FILS DE DIEU



1


Sur un trône de velours se tenait une vaste silhouette à forme humaine, imposante, illuminée de la lumière diffuse des hauts vitraux multicolores. Baskets à crampons, jogging aux tons criards, sweat-shirt moulant à manches larges, la forme contemplait de ses yeux embruns l'immense salle aux allures de cathédrale qui filait devant lui.

Wesh wesh ! Pèpère... Pèpère la pêche !

La pêche !
Répondirent les innombrables anges alignés derrière autant de tables.
Au dessus d'un crocodile brodé, une gourmette se balançait au cou, la chaîne perdue dans une barbe proéminente, argentée. Un anneau s'enfonçait dans la narine gauche, semblable aux deux autres qui pendaient à chaque oreille. La chevelure tombait en cascades. Une casquette la surplombait, où la visière tournée au quart indiquait le mot "God" en lettres d'or.

Dieu se leva, les pouces cerclés en évidence de ses mains plongées aux poches.

Woké les zeufs. Vous voici à présent dans l'ultime ligne droite.

Un murmure parcouru l'espace. L'examen angélique se terminait sur une dernière épreuve.

Je vous préviens, elle est chan-mé.

Le murmure se fit appréhension. Les épreuves que les candidats avaient jusqu'alors eu à accomplir étaient toujours très ardues alors que Dieu les leur avait présentées comme étant d'un niveau assez "wesh wesh".

Le Paternel observa ses disciples. Il reconnut quelques unes de ses plus grandes créations : la peur, l'angoisse, mais aussi l'abnégation, le courage et l'impatience, ce qui le fit sourire. Il eut l'impression qu'eux étaient impatients de secourir l'Humanité au Rez-De-Chaussée. Le plaisir de la surprise rayonna en lui, ce qui se dit-il, était là, une autre de ses réussites.

Il y eu un bang. Les vêtements street laissèrent place à un costume plus classique. Ses doigts claquèrent. Sans autre avertissement, un gobelin apparut à chaque table, tous auréolés d'un anneau de lumière. Les créatures jetèrent leurs regards abrutis sur l'endroit où ils venaient d'apparaître pour y découvrir avec effroi ceux pleins d'animosité de leurs gardes ailés.

Que l'on tue les morts, gloussa Dieu.

Les gobs n'eurent pas le temps d'assimiler l'ordre donné qu'ils s'écroulèrent, quelques uns empalés, d'autres égorgés, d'autres encore énucléés, cramés, étranglés, écartelés... Un seul put voir ce qui se tramait : son bourreau méditait sur la façon avec laquelle il allait se faire plaisir. Ses hurlements prirent finalement fin au doux son de son cou lorsqu'il se rompit.

Je suis désolé Messieurs, fit le Paternel à ceux dont les gobelins étaient décapités ou en cendres, mais vous aurez besoin pour l'épreuve d'un spécimen entier.

Dans une jubilation partagée, il en apparut de nouveaux, pour de nouvelles secondes morts.

Bien. Alors voici ce qui vous attend : Vous aurez vingt minutes pour me repérer une cellule intelligente de vos cobayes.

Des protestations fusèrent. Des sifflets tombèrent. Mais le Vieux resta inflexible.

Du calme. Je rappelle aux râleurs que lors de la dernière épreuve vos prédécesseurs ont dû inséminer des gobelines stériles. J'autorise tout accessoire qui pourrait vous sembler utile. De plus, des poubelles sont mises à la disposition de chacun. Bonne chance les reufs, il vous reste dix-neuf minutes.

Les apprentis séraphins se mirent alors au boulot, triturèrent, scalpèrent, glissèrent, décervelèrent, dépecèrent... Ils prirent leur tâche à cœur, tout comme leurs prédécesseurs remarqua Dieu, et l'épreuve passa somme toute assez vite. Mais au final, les mines étaient maussades. Le Paternel ne se faisait pas d'illusion, il ne s'était d'ailleurs pas attendu à ce que qui que ce soit ne trouve ne serait-ce qu'un soupçon d'intelligence dans ces carcasses sans vie.

Une jeune voix s'éleva dans le silence. Créateur ?

Dieu regarda celui des anges qui l'avait interpellé et vit qu'il n'avait pas touché à son gobelin. Un soupçon d'excitation l'enveloppa.

Si mes souvenirs sont bons, il n'a jamais été question d'intellect chez les gobelins. Je crois qu'il serait plus judicieux de parler ici d' "instinct".

Votre nom ?

Frolll
, répondit le jeune ange.

Le Créateur lui adressa son plus beau sourire. Une dent en or accompagna les piercings dans leur scintillement doré.

Mon cher Frolll, vous voici devenu mon nouveau grand ami. Vous voudrez bien me suivre dans mon bureau, s'enjoua-t-il, j'ai de grands projets pour vous !

Il revint à la salle pour mettre fin à l'examen : La séance est levée Messieurs. Je vous souhaite à tous une excellente vie terrestre.

Dans le brouhaha qui accompagna le départ de ses collègues, Frolll plongea jusqu'au Puissant pour marcher à ses côtés. Arrivés au bureau, il s'assit dans le siège qui lui fut présenté et attendit dans un total émerveillement : la pièce céleste dans laquelle il se tenait était bleue noire d'un ciel gonflé d'étoiles, où la Terre se tenait en fond, encadrée de joyaux. Nul mur, nul plafond. Un bureau semblait flotter dans ce qu'il pouvait appeler le "centre" de l'espace, en dessous d'une ribambelle de tableaux aux cadres de bronze. Frolll reconnut là certains portraits de dieux subalternes.

Un bang retentit de nouveau et le Créateur s'assit derrière son meuble, confortablement installé dans un beau peignoir rose. Il s'installa une paire de lunettes au bout de son long nez, puis commença à consulter un organiseur rotatif.

Frocta... Frodon... Frollik... Ahhh! Voila ! Frolll...

Il prit la fiche en question et la parcouru : Frolll, dix-sept ans, angelot guerrier, stagiaire lors...

Dieu hochait la tête, visiblement impressionné. Il revint à son invité. L'ange attendait, intrigué, mais aussi un tantinet mal à l’aise. Le mana blanc dans la pièce était d’une telle omniprésence que c’en était abject.

Je vois que vous avez effectué votre stage pratique au beau milieu des batailles de la Vieille Terre.

Oui Seigneur, deux ans de souffrance et de combat auprès de valeureux humains. Très instructif.

Le Paternel se gratta le crâne. Oui, il faudrait que je pense à réorganiser des invasions de zombies. Je vais en toucher quelques mots à leurs chefs de guerre.

Il remit la fiche en place et prit un classeur dans un tiroir pour en sortir un dossier.

Mon cher Frolll, je vais vous faire un grand honneur.

Mais l'ange n'écoutait plus : Une ligne éblouissante de lumière rougeâtre filtrait la Terre. Un halo de feu apparut dans le glissement du soleil au grand dam des constellations qui disparurent peu à peu dans l'aurore.

Humm...

Ha... Heu... Oui, désolé Monseigneur, vous disiez ?
fit un Frolll décontenancé.

Je suis venu vous attribuer votre Mission Là-Dessous, mais avant cela, vous aurez quelques travaux pratiques à accomplir. Votre Mission vous amènera à exécuter bien des tâches insolites.

Il sortit une feuille du dossier et la parcouru des yeux. Frolll eut bien du mal à rester de marbre.

... chage de petits culs, atténuations de pulsions nympho maniaques, recollage de têtes, émascula...

Dieu releva la tête. Et bien mon Cher, en voila une belle destinée! Si jamais un tel destin est conté un jour dans un livre, son auteur sera sans aucun doute un beau psychopathe!



2


Il sentait une présence dans son dos. Un instant plus tard, la pression exercée aux poignets disparut, mais ses mains restèrent figées. Frolll se trouvait dans des catacombes farfadets, entouré de ses amis, de deux nains, en sus de milliers de petits êtres qui dans l'instant dansaient la zoubida. Mais sa conscience, elle, voyageait dans le fulminement d'un soleil levant, loin, très loin au dessus de la Terre et du ciel.

Doucement ses pupilles se dilatèrent. La lumière perdait de sa violence, elle s'évanouissait pour un monde peuplé d'ombres. Des petits bruits frétillaient çà et là. Il tourna le menton sur la droite, mais ne vit d'abord que des formes. Les formes devinrent lentement corps, puis les corps devinrent petits culs. Les gnomes dansaient. Son regard alla sur la gauche. Seigneur Petit Cul dansait lui aussi en compagnie de sa garde.

Une pression émergea au niveau de son cou. Son visage confus rencontra celui d'un nain qui l'agrippait par le col. Les traits de l'homme de petite taille s'animaient. Ses yeux luisaient d'urgence. Un son lui parvint, comme issu d'un interminable tunnel. Le rouge lui brouilla la vue dans une explosion de douleur sourde. Il prit conscience de la gifle administrée par son assaillant.

...auve-le... ... ...sauve-le... ...sauve-le! SAUVE-LE!

Frolll porta la main à sa joue et fixa attentivement le nain.

Qu... Quoi??

Sauve notre ami! Il est encore temps!

Zac vit le désarroi dans le regard de l'ange. Au prix d’un intense effort sur lui-même, il inspira longuement pour reprendre son calme. Son esprit partit à la recherche de celui de Frolll. Il le capta et s'y accrocha. Le souvenir de Derdo condamné à la décapitation se transmit du nain à l'ange.

Le vieux gnome se figea en plein moonwalk : il vit de grandes ailes se déployer. Leur propriétaire s'élança dans les hauteurs, traversa fugitivement l'espace pour disparaître par la cavité où avait été conduit l'un des leurs.

Frolll n'eut pas à chercher son chemin : Il n'eut qu'à suivre les traces de sang sur le sol.



3


Les membres du groupe étaient libres de leurs gestes. Les bâillons tombés, l’immense cavité glauque de la nécropole lutine épousait leurs flots de paroles insignifiantes qui allaient inéluctablement bon train.

Les trolls se pressaient en rythme autour d'eux. Le cochon vit l'intérêt qu'ils lui portaient et mit fin à leur danse. Une brèche se créa dans la masse pour laisser l'ancêtre avancer. D'un pas chancelant qui indiquait que ce genre d’exercice ne lui était pas familier, il vint à eux, la voix forte pour supplanter les leurs.

Oyez, Invités! Veuillez pardonner le mystère de la Loi et accepter ceci.

Il leur présenta à chacun un objet tubulaire de la taille d'une noisette qu'il leur donna.

Ceci pour le Mal du flood. En d'autres circonstances nous vous aurions présenté une substance antidotique, mais voilà, nous n'avions pas prévu d'autres circonstances.

Il s'arrêta pour se perdre en confusion. La seule chose qui vous rendra votre liberté de parole, et bien... Ce sont ces suppositoires... ...hé hé... ...humm... ...Pardon...

Le cochon s'avança avec le suppôt et dirigea son flot en direction du vieil être.

Ouais, c'est bien pour les autres ça, mais pour moi qui n'ai jamais eu le plaisir de me gratter le derrière avec mes pattes trapues, il vous faudra un volontaire.



4


La chambre présentait une taille suffisante pour honorer de prestigieux invités. Les meubles plongeaient alentours dans une fine lumière cristalline. Dafunk et Lotus se reposaient chacun dans un moelleux champignon-lit, tous deux tachetés de milliers de points colorés. De petites chaises inadaptées à leurs tailles parsemaient de toute part le sol délicatement tapissé. La vie était belle pour des messagers des dieux à Lutin land.

Le soldat s'était endormi d'un sommeil léger deux heures auparavant. La bouche de son visage détendu se crispait parfois d'un sourire qui ne présageait pas au cauchemar.

Quelque part un signal darda son esprit. La machine se mit en marche et il passa en demi-sommeil, puis en état de douce conscience. Le silence venait d'engloutir la pièce. Il devait entendre le souffle de sa tendre, mais...

RRRAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHH !!!!!!!!

Son corps bascula vivement de côté pour glisser du champi-lit. Il évita de peu la furie échevelée. Lotus se tenait maintenant sur son lit, les épaules dénudées, le souffle chaud.

OH TOOOUAAAAAAAAA... JE TE VEUX ! AHHHHHHHH !!!!!!!!

Elle s'avança, les bras au devant de la forme éberluée qui commençait à peine à se saisir de la situation. Les bras ne rencontrèrent que du vide. Le soldat se tenait à l'abri incertain d'une table naine, mais néanmoins large. La jolie petite elfe se remit maladroitement sur pieds et avança d'un pas de félin vers sa proie. Dafunk fut envahit d'amusement, de tristesse aussi.

Lotus, tu sais bien qu'il ne faut pas...

Lotus agrippa le coin de la table pour l'escalader à quatre pattes.

Poutoux poutoux mon amur... Prend-moi, amur...

La jeune femme gambadait sur la table à deux mètres de lui. Il recula. Ses pieds se prirent dans une chaise, elle bondit alors, le soldat fut agrippé. AMMMUUUUUUURRRRRRR !!!!!!!!

Sous ses doigts experts sautèrent les boutons de sa chemise. Le soldat se mit sur le ventre. Lotus bascula avec le vêtement dans l'élan.

Torse nu, lui et ses muscles noueux prirent la direction de la porte, suivis par une armée d’hormones en freestyle.



5


Pelote et repelote ! Wouhouhouuuuuuuu !!!

20 points de plus !
Exulta le cochon.

Hé ho, part, n'oublie pas le 10 de der !

Ca nous fait… trois plus trois égal dix... Je retiens un… Soustrais par pi… … 680 à 80 les gars !

Les nains étaient dépités. Mais, c’était Derdo surtout qui broyait du noir. L’as de la pelote avait une vision assez originale : sa tête ballottait lentement de tous les côtés. L’ange n’avait pu réparer totalement les dégâts causés par son exécution. Elle manqua de tomber lorsqu’il se retourna. Twix, tu veux jouer ? Il me tue ce jeu. Mais Twix ronflait la bouche ouverte, tout affalé qu’il était à un rocher de mousses.

Vous voulez prendre le relais ? demanda-t-il au soldat qui avait fait son apparition. Sir Dafunk ? Qu’est-ce…

Lotus déboula en nage dans la salle de repos.

Ammuuurrrr…

Frolll, calme-la !


L’ange posa ses cartes. Lorsqu’il posa ses mains contre le ventre de l’elfe, le visage de la jeune femme se perdit dans une contemplation nouvelle. Elle se détendait. L’air carnassier qui peignait ses traits la quitta pour ne plus rien laisser paraître. Lotus s’avança alors. Sans bruit, elle alla se blottir délicatement contre Twix pour plonger dans un profond sommeil.



6


Deux heures s’étaient écoulées depuis. Dafunk avait fini par remplacer Derdo à la pelote, au désespoir du nain au chapeau rouge qui assista par la suite à la large défaite de ses anciens adversaires.

La partie était à présent finie. Bridou se faisait masser ses pieds de cochon par d’heureux Trolls choisis au hasard des nombreux candidats qui s’étaient portés volontaires. Frolll examinait une série d’arcs plus ou moins grands qu’on lui avait présenté. Quant à Dafunk, lui était tout heureux de pouvoir à nouveau manier son glaive et son écu, confisqués lors de leur capture. La présence des lutins serviteurs n’avait pour seul inconvénient que le fait que les amis ne pouvaient pas discuter de leurs situations. Malgré cela, les nains avaient fini par leur avouer avant l’arrivée des serviteurs le but de leur propre présence, ce qui n’avait pas été pour surprendre nos aventuriers. Cela ne m’étonne pas de la part de ce vieux briscard, avait soufflé Dafunk. Des nains pour nous surveiller. Après l’Affaire du JMBhon, on peut s’attendre à tout.
Lotus s’approcha.

Devinez qui est venu nous retrouver ?

Guizmo !

Kaya !


La belette sauta des bras de l’elfe pour se lover dans ceux de Derdo. Il faillit en perdre la tête.

Vous vous sentez mieux Madame ? Demanda Zac.

Vivi, murmura-t-elle, toute rouge.

La discussion alla bon train. Seul le cochon ne dit mot. Ses compagnons pensèrent sans doute qu’il profitait voluptueusement du paradis pédestre que lui offraient les lutins en dessous de la table. Au bout d’un quart d’heure, il se risqua cependant à parler de ce qui le tracassait vraiment.

Lotus ?

Oui Doudou ?

Hem… Heu… Tu te souviens quand nous nous sommes fait prisonniers ? Tu étais sur le point de me faire une révélation. Tu disais que j’étais en quelque sorte un Elu. Ca me tracasse… Please… Je veux savoir…




7


Dans le bureau céleste, Dieu se prépara à observer la réaction de l’ange qu’il avait choisi.

Parmi les nombreuses vies dont vous serez responsable, vous aurez la charge de protéger celle d’un de mes fils ; biologique je veux dire.

Il tendit une fiche à son invité qui la lut :


TYPE COCHON MANA ROUGE
PRENOM BRIDOU
NOM IL N’EN A PAS, C’EST UN COCHON
SEXE ROSE
SIGNE DISTINCTIFS PARLE, TENDANCE A L’ALCOOLISME, QUEUE EN TIRE-BOUCHON, MELOMANE, ONANISTE


Frolll leva les yeux de sa feuille.

Un porc ????

Le Vieux se triturait à présent les mains. Héhé… Il m’arrive parfois d’abuser des boites de nuit avinées. Il se peut que j’aie pu m’y oublier une ou deux fois avec une truie un peu cochonne.



8


La hache tranchait l’obscurité de son étrange lueur. Deux yeux devant l’arme, pétillants, noirs. Sombres. Kayok aimait la salle non pas parce qu’elle donnait la mort. Non. Il l’aimait parce qu’elle rendait la justice.

Le calme baignait la pièce, tranquille, seule, perturbée parfois par l’effroi des victimes de la Loi.

Les yeux se détachèrent de la lueur, se mirent en quête de la pénombre et de ses secrets. Sur la droite, au devant d’une table de torture, de nombreux étals dormaient. Ces gardiens de rêves insouciants exposaient nombre de gadgets lugubres, variés par l’usage mais aussi par la taille.

Le visage de proie se figea. Les traits s’étirèrent de surprise. L’être s’approcha du mur et saisit la chose qui lui avait valu l’exquise sensation. Il fit tourner le minuscule dévideur entre ses doigts délicats. Cet objet était là son préféré. Rêveusement, il caressa la fine aiguille ocrée. De la pression exercée sur l’index naquit une goutte de sang. La goutte perla sur la pompe de lin annexée à la cavité qui supportait la protubérance. Dans ses yeux, le soldat se vidait de son sang qui giclait de ses veines, transpercé par une dizaine de ces tendres accessoires qu’il allait sous peu recommander à ses maîtres-bourreaux. Oh oui, se serait si bon de le voir danser à son tour…

Le soldat noyé dans ses yeux laissa place aux flashs qui l’habitaient depuis l’épisode de la danse. Il les revit, se déclarant en quête. …Eh bien mon cher Monsieur, sachez que nous sommes en quête et ainsi dans l’obligation de traverser votre territoire… Le cochon rieur sous le bâillon… …Quant à notre ami qui n’en peut plus, il m’est avis que vos petites têtes et vos petits corps quelque peu libidineux lui évoquent une armée de tous petits culs… Le cochon ne riait pas pour les sauver d’une morosité destructrice. Ils les avaient insultés de petits derrières. L’aiguille du dévideur cassa sous la paume serrée aux blanches jointures. Le soldat leur avait menti. A cela venait s’ajouter d’autres faits : La disparition d’une garde entière, l’arachnide et la belette gigantesques qui avaient créé la panique. D’autres encore restaient à découvrir. Sa main libre alla au sommet de son visage où une bosse proéminente lui assénait encore le crâne.
Il revint à la hache qui avait servi la veille. La tête d’un nain avait roulé. Mais l’ange était passé.

Il prit le manche de l’arme. Les élancements de la douce lumière jouèrent sur l’acier.
Le mensonge… Lui seul savait. Mais cela n’allait pas durer. Une petite réunion suffirait pour faire rouler les têtes. Et cette fois, il ne serait plus question d’un quelconque ange pour recoller les morceaux. La sienne aussi allait pourrir sous les asticots.



9


Lorsque l’elfe et l’ange eurent finis, Bridou prit la parole : Donc, si je comprends bien, je suis un fils biologique de Dieu.

Il se concentra sur Lotus et Frolll, qui le déshabillaient avidement du regard.

Sa réaction fut instantanée :

Coooooooooooooolll !!!



10


Mais alors, c’est donc pour cela que je suis doté de parole. Tout petit cochon, je me plaignais que mes frangins ne me répondaient jamais. Tu as d’ailleurs été la première à me faire la conversation, fit-il à Lotus.

Dites moi, intervint Derdo. Pourquoi sur la fiche de présentation de Bridou n’était-il pas indiqué qu’il était le fils de Dieu ?

Pour Dieu, nous sommes tous ses fils
, expliqua l’ange. Simplement Bridou l’est un peu plus que nous autres.

Tous ses enfants… Cela explique bien des choses sur la nature humaine.
Zac reprit : Si les animaux qui parlent sont issus de dieux zoophiles, alors cela voudrait dire que Pugs Punny…

Oui, j’en ai bien peur
, annonça gravement Lotus.

Mais… mais… Et Pernard et Pianca…

Oui, aussi…

Et Prigitte Pardot…

Ah non, elle, c’est différent, elle est humaine.

Ah bon ?

Beurk… Enfin bon. Tant que je ne vois pas un canari parler, je peux vivre en paix.




11


Veuillez nous suivre, lâcha Kayok au pied de leurs champignons-lits. Je crains que nous ayons un léger malentendu à éclaircir.

Lotus et Dafunk s’échangèrent un regard embrumé, virent la troupe lutine derrière le Sombre, puis s'aperçurent que leurs champignons avaient été croqués par endroits.

Nous voulions être sûrs que vous aviez bien la protection contre le vert. Vous devriez être digéré en ce moment, très cher.

Mais, et Lotus ?
S’alarma-t-il, en esquissant un geste en direction de ses armes qui ne se trouvaient plus à leur place.

Ne vous inquiétez pas, dit-il d’une voix faussement apaisante, notre Maro apprivoisé ne trouve pas les elfes à son goût. Trop secs, parait-il. Habillez-vous et veuillez nous suivre. Vos amis n’attendent plus que vous.

Les deux glissèrent de leurs couches. Après s’être vêtus, ils disparurent derrière la porte en compagnie de leur garde.



12


Le conciliabule farfadet attendait que le questionnaire commence. L’ancêtre était présent, Kayok ainsi que d’autres de ses hommes de mains à ses côtés. De nombreuses victimes de nos amis les nains se tenaient également en place. Bref, la pièce était bombée. La sentence allait être rendue. Eux aussi auraient leur mot à dire.

Un lutin à barbe s’avança.

Levez la main droite, faites un tour sur vous-même et jurez que vous direz la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, pas autre chose que la vérité.

L’elfe, le cochon et l’ange s’exécutèrent. Les autres attendaient entourés d’une garde de petits culs à chapeaux spécialement choisis pour leurs compétences magiques.

Cactus !

Un cactus apparut devant chacun des trois.

Veuillez y plonger les doigts.

Ce qu’ils firent. Le cochon et l’elfe les retirèrent vivement dans une grimace. Dafunk, lui, ne parut pas en souffrir. Une rumeur envahit l’assemblée.

Le barbu commença alors l’audition.



13


EXTRAIT DU COMPTE RENDU DE L'AUDITION Valia, le 16 goliate, 35ème année après JMB
1ère question : QUI ETES-VOUS ? -ELFE : Je m’appelle Lotus Gouttedor, fille d’Ilior et d’Héléna. Je suis sibylle de la région nord de la forêt.
-COCHON : Moi, ben Bridou, fils de Dieu, mais attention, son Fils génétique hein, pas son fils comme il y en a une infinité au travers de la planète. Non, non, son fiston. Un de ceux qui pourront appeler Dieu Papounet lorsqu’ils monteront au ciel. Ma mère était une truie, je n’en sais pas plus. Je suis un cochon.
-SOLDAT : Je m’appelle Dafunk Delgado. Vous pourriez m’appeler Dédé, mais vous ne m’êtes pas intime, alors ça restera Dafunk. OK? Mon père, c’est Jacky, du Jacky Show. Ma mère, c’est la tienne. Ce qui fait qu’on est frangin mon pote à barbe. J’exerce le métier de cuistot chez les Ondins, alors forcément, le poisson, ça commence à me courir sur le haricot.
2ème question : VOUS VOUS FOUTEZ DE MOI ? -ELFE : Non, mais j’aimerais bien.
-COCHON : Pas mieux.
-SOLDAT : Joker…
3ème question : QUE FAITES VOUS DANS NOTRE TERRITOIRE DE VALIA ? -ELFE : Eh bien voila, Dafunk et moi sommes tombés amoureux l’un de l’autre, mais malheureusement nous ne pourrons vivre intensément notre idylle que lorsque nous aurons mis la main sur un sort situé aux lointains pays ondins. Avec ce sort, sa protection colorée ne sera plus qu’un mauvais souvenir.
-COCHON : Pas mieux.
-SOLDAT : J’avais besoin de matos niveau maquereaux.



14


Le barbu se retourna vers l’assemblée où nul ne bougeait.

Premier constat : L’humain nous a baladé depuis le début. A moins qu’il ne soit bien cuisinier chez les Ondins, bien entendu. Cet homme peut nous dérouter en mensonges. Il est donc très dangereux.

Pas un souffle.

Deuxième constat : Ce groupe n’a aucune mauvaise intention envers notre peuple. Leur quête me parait même être d’une nature assez noble.

Troisième constat : Le cochon est un Malin supérieur : le fils d’un dieu, en l’occurrence ici de Dieu le Créateur.

Les lutins se firent encore plus petits qu’ils ne paraissaient pouvoir l’être. On entendait presque Bridou glousser pas loin.

Dernier constat et non des moindres : l’elfe semble capable de communiquer avec les dieux.

Voila mes frères, si nous leur portons atteinte, nul ne sait ce qu’il pourrait nous arriver. Passons au vote. Je serai d’avis de nous débarrasser de ces fardeaux. Que ceux qui souhaitent leur libération lèvent le bras.

Quelques mains apparurent timidement.

La belette sortit sa truffe de la barbe de Derdo. KAYA !!!!!

Toutes les mains se levèrent.

Faites péter la mousse ! S’enjoua le cochon. Que la fête commence !



15


Le soleil claquait sa splendeur dans l’opale des feuilles cristallisées du sol couleur de feu.

Vous êtes sûr de vouloir nous quitter ? Demanda Lotus.

Les trois nains lui sourirent. Bleus blancs et rouges, leurs chapeaux pointus s’inclinèrent tout bas.

Non, vraiment merci mille fois Madame, dit Zacthewizard, mais nous retournons au pays.

Merci à tous
, fit Derdo. Sa tête balançait dangereusement. Merci à vous Frolll. Grâce à vous je vais pouvoir me lancer dans une magnifique carrière de clown ! Imaginez ça : Derdo et Guizmo, les décapités rigolos !

Kaya !
S’enjoua la belette.

Lotus baissa la tête. Twix lui secouait sa tunique verte pour l’appeler. Elle se pencha pour se voir offrir un bisou. La couleur des joues du muet passèrent au rouge puis disparurent derrière le soldat.

Nous voilà repartis, fit il. Tout le monde a ses affaires ?

Frolll possédait à présent un grand arc au bois de chêne ainsi qu’un carcan de longues flèches choisies avec soin chez leurs anciens colocataires. Le soldat arborait de nouveau son glaive et son écu de bronze et d'argent mêlé. La troupe était fin prête pour la suite de leurs aventures. Enfin, presque prête…

Mais où est encore passé Bridou ?

Il vomit dans des buissons
, répondit l’ange. Il arrive.

Le cochon réapparut, le teint des jours de cuite au visage. J’arrive…

Le groupe d’amis saluèrent chaleureusement les nains et se remirent en route, une brise fraîche leur caressant la nuque...