GP Erdu
écrit par Johann Mercier


      Cette journée de GP aurait pu mal commencer. Motivé pour participer à l’événement qui, une fois n’est pas coutume ne se déroule pas à 400 bornes de chez moi, j’avais préparé la veille mon kit de survie afin d’être prêt dès le premier rayon de soleil. C’était sans compter sur la trahison des piles de mon réveil. Cette infamie qui aurait pu être fatale à mes ambitions fut néanmoins heureusement compensée par le son mélodieux de la voix de ma voisine éructant sur le chat de mon voisin à une heure obscène. C’est donc parti pour une journée dédiée à la gloire et aux paillettes : Report !

La connexion rapide de mes deux neurones me permet de constater que je suis over à la bourre. Je me précipite vers la salle de bain et après une rapide douche, j’enfile rapidement mon caleçon fétiche spécialement pas lavé depuis ma victoire en ronde 6 du dernier QT.

Le gp commence à 9h00. Il est moins dix. Deux bornes à faire. Il va falloir tracer. Je me lance au pas de course pour un footing de deux kilomètres. Il tombe des cordes. Je savais que j’aurais du prendre la voiture.

9h20. Le head judge me tient un discours empreint de compassion et de justesse dont l’essence est la suivante : « … blablabla… pas foutu d’être à l’heure… blablabla… pairing déjà fait… blablabla… marre des branleurs blablabla… me les brise menues » et autres remarques que je tairais par amour propre et auxquelles je ne peux qu’acquiescer. Face à mon plaidoyer vigoureux mais néanmoins larmoyant, il accepte de me rentrer avec un game loss pour la première ronde. C’est donc le cœur léger et avec une confiance renouvelée dans l’avenir que j’entame le tournoi. Il apparaît néanmoins que ma participation reste compromise par l’oubli de mon deck…

Après quelques courtes séances d'avilissement et d’humiliation collective, j’arrive à emprunter une soixantaine de cartes pour monter un mono vert-noir contrôle-combo. Après avoir inséré mes précieux bouts de cartons dans les pochettes toutes neuves que j’avais pensé à mettre dans mon sac, comme quoi c’est utile d’être prévoyant, je m’engage sur le sentier de la gloire.


Ronde 1 : Vers l’infini et l’au-delà

Encouragé par un rayon de soleil cajoleur qui me rappelle qu’à n’en pas douter ce jour sera pour moi béni des dieux, je lance mon dé fétiche avec la calme assurance de celui à qui l’avenir ne peut réserver que le juste bonheur qui lui revient de droit. Je perds le toss. Mon adversaire joue dredge. Ca tombe bien, j’ai pas eu le temps de petit-déjeuner. Pendant qu’il mulligan à 3 et commence à jouer son premier tour, je me rends donc nonchalamment à la buvette. De retour après avoir savouré un croissant dégoulinant de gras, un p’tit muffin parce qu’il n’y a pas de mal à se faire de bien et un café qui m’a permis d’avoir une discussion très constructive avec le tenancier de la buvette sur les abus inqualifiables mais néanmoins inévitables perpétrés par les petits commerçants lors des tournois de TCG, je reviens à la table juste au moment où mon adversaire m’annonce chaleureusement qu’il déclare sa phase d’attaque et m’inflige 24 dégâts. Soit. Je gagne héroïquement la deuxième sur un mulligan à zéro de mon adversaire. Je me fais rouler dessus à la trois mais au moins j’aurais eu le temps de remplir ma deck list. Pas mauvais ce muffin.
Faim dans le monde : 0, LeTus : 1


Ronde 2 : This is not my idéa of a good time

Un petit détour par le pairing me permet de constater non sans joie que de tous les petits veinards à zéro point je suis le seul à avoir été up-pairé. Y a des jours comme ça.
C’est néanmoins avec l’œil du tigre que j’engage la deuxième ronde. Je perds le toss. Mon adversaire part avec un sérieux avantage sur moi, il ne s’est visiblement pas lavé depuis des temps immémoriaux et semble vouer une haine farouche au déodorant. Mon calbute fétiche ne fait pas le poids. Sa main tenant les cartes frappée de spasmophilie me laisse espérer un décès possible au cours du duel. Que nenni. Je ne m’étendrai pas sur les matchs dont je ne garde d’autre souvenir que mon échec cuisant à vaincre le record du monde d’apnée en milieu sec. Je me fais rouler dessus.


Ronde 3 : I believe i can fly. I believe i can touch the sky.

C’est avec une stupeur mêlée d’étonnement que je constate que mon prochain adversaire est une adversaire. Une fille. Incroyable. Je me souvenais même plus à quoi ça ressemblait. Un rapide coup d’œil appuyé me conforte dans l’idée qu’il ne peut s’agir d’un de ces chevelus qui foisonnent lors de ce genre d’évènements mais d’une réelle représentante du beau sexe. Je me prépare à lancer une de ces répliques viriles qui, alliées à mon physique avantageux, m’ont valu en tout temps les grâces de la gente féminine quand je remarque au détour d’un regard à vocation anthropologique sur les hanches de la charmante demoiselle qu’elle porte à la ceinture un taser. Visiblement pas son premier GP. Finalement je vais me taire.
La bougresse profite d’une très belle courbe de mana pour détourner mon attention et prendre les rênes de la partie. J’aime pas quand c’est la fille qui dirige. Je tente le regard de cocker pour l’attendrir, mes efforts sont payants : à la suite d’un missplay, pure touche de galanterie de ma part cela va de soi, elle se fend d’un tendre sourire. C’est con. Je pourrai pas remettre ce caleçon pour le prochain tournoi. Je me fais piétiner.
Après le match je tente une petite approche estampillée «beaugossité ». La douche c’était un point positif. J’aurai aussi du me laver les dents.
Virginité : 1 – LeTus : 0


Ronde 4 : What else ?

La chance semble enfin me sourire. Mon nouvel adversaire doit avoir au maximum 10 ans. Ca va être du gâteau. Il y a une limite à tout, je ne peux quand même pas perdre face à un mioche. Ca va être une boucherie.
Je perds le toss.
Bon celle là je vais l’expédier, j’ai la dalle, l’inanition me guette. Le gamin joue life. Pas grave. Je mangerai un autre jour. Logiquement ça s’éternise. J’en appelle à Dieu. Il me rappelle cruellement que je suis athée. Je me fais rouler dessus.

Bon voilà, on arrive à la dernière ronde. Ca commence à me saouler, je suis tenté par le drop mais je voudrais pas compromettre mes chances de top 8. Une étude attentive des scores m’indique que cela va quand même être tendu. Qu’importe, aux âmes biens nées, la valeur n’attend pas le nombre des années, comme le disait si bien Jordy.


Ronde 5 : Paix et félicité

J’ai bien fait de la jouer celle là. Franchement ça aurait été dommage de m’en priver. Je perds le toss. Mon adversaire est un adepte du trashtalking. Il joue Burn. Au moins, ce sera court. Le match se déroule cordialement, mon adversaire insulte chaleureusement la moralité de mes parents alors que je remets en doute dans la bonne humeur son orientation sexuelle. Après cinq bonne minutes de surenchère festive dans la remarque scatologique, tout cela se terminera dans la joie sur une discussion animée sur des pratiques que je soupçonne d’amoralité entre des humains et des animaux. Je me fais cramer. Me fatigue.


Inexplicablement ma performance d’ensemble me prive de top 8. Pas grave, je vais aller faire un tour du côté des side event.
Le choix est vaste, on me propose d’abord une tournante. Un rapide tour de la salle m’indique que ma charmante adversaire de la ronde 3 semble avoir quitté l’endroit. La pratique perd dès lors beaucoup de son intérêt.
Deuxième option : le troll. Il me manque une tête. Mon hygiénique adversaire de la ronde 2 me propose une alliance. Je suis sauvé par une diarrhée fulgurante.
De retour des toilettes, j’examine les choix possibles : intégrer un WAGIC déjà commencé ou tenter un booster match avec le gars relou qui me suit depuis dix minutes à coup de « Eh, eh, tu fais un booster match ? Tu fais un booster match ? »
Booster match donc. J’ouvre avec fébrilité mon booster : Réverbération de pensée et une chiée de truc incastables. Faites moi penser à me pendre en rentrant.

Une journée homérique donc, qui ne saurait se conclure sans son petit bilan teinté de philosophie :

Les plus :
Je suis rentré tôt chez moi
Le muffin
Fifille !

Les moins :
Franchement je vois pas. Ca n'a été que du bonheur
Une odeur tenace quand même.

Merci à tous les gens sérieux sans qui cet article n’aurait pas pu exister et pardon aux familles, tout ça, tout ça…