Petites propositions pour une vie meilleure
Où l’organisation en question…
écrit par canard99


      Pour nous qui jouons, lisons, écrivons, vivons, rêvons même parfois Magic (surtout de la Pixie Queen), nous qui y sommes plongés chaque jour dans cette fournaise comme un céphalide dans la friteuse de maître Paco, il y a un cauchemar qu’il faut désormais aborder. Ce cauchemar s’appelle le TOURNOI.



Magic, ce jeu développé et répandu par une firme qui ne jure que par l’épouillage régulier et complet des portefeuilles de ces singes de clients (les plus vieux ne font plus la grimace) est également sujet à un curieux anachronisme. Les grandes messes dédiées à ce JCC, à savoir les tournois, se déroulent dans une arène spartiate et restent le lieu d’une orthodoxie rébarbative où la concentration et le recueillement le plus pieux sont de mise.



A l’heure où le moindre plateau télévisuel dédié à la politique, à la littérature ou aux arts en général (au 7e en particulier) dégaine un string monté sur une mono-couille, une paire de seins explosifs ou une blague saignante comme les menstruations de Xéna la guerrière ; à l’heure où la très réputée gaudriole française devient une exception culturelle lâchée en liberté dans tous les médias, force est de constater que les tournois de Magic ne suivent pas cette tendance inflationniste. Non seulement le glorieux gagnant d’un GP en sus des points DCI et de son chèque n’a toujours pas l’honneur de rouler une taloche à une pom-pom-girl déguisée en Akroma mais aucun sponsor, aucune mafia blanchisseuse n’est venu proposer au vainqueur, qui son poids en andouille de Guéméné fourrée à la main, qui un séjour dans un hôtel de qualité à Budapest (4 étoiles au guide européen de l’adultère payant). Pire… très souvent, on assiste à des phases finales aussi excitantes que le match historique entre Deep Blue et Kasparov en 1997 où ce dernier déclara écoeuré à l’issue de sa défaite, « j’aurais joué contre Karpov, Short, Anand ou n’importe quel autre grand maître, j’aurais au moins pu avoir l’occasion de lui serrer la main (cf. MV Contest #21 : Magic, c’est hormonal ma petite dame). Cette année Wizard nous invite comme un joli retour aux sources des bienfaits du capitalisme à suivre un championnat de France au pays où tout est beau et politiquement correct, dans le paradis de carton pâte de l’Oncle Walt qui aime tellement les petits enfants (et même les grands s’ils ont du pognon). De bien bons moments en perceptive qui, je l’espère pour tous les participants, ne les priveront que le temps de la compétition de se livrer aux activités favorites de la jeunesse à savoir la triple B : Bière, Baise, Bédo (quoique pour Magic, il faut parfois remplacer baise par branlette, on n’a rien sans rien…).

Arrivé à ce stade de mon article, vous risquez de vous dire : Ce vieux con de Canard99, il veut faire passer ses aigreurs sociétales d’ex… d’ex-quoi ? (J’avais 4 ans en 68…). Il nous pond un brûlot anticapitaliste (C’est crédible un canard qui pond ?) et stigmatise la décadence de la jeunesse moderne. (C’est crédible la jeunesse moderne ?). Foutre merde !!! Vous n’y êtes pas. Je reprends depuis le début : Le cauchemar s’appelle le TOURNOI et pour paraphraser ce cher Henri Miller, je préciserai même ce cauchemar climatisé s’appelle le tournoi. En un mot comme en cent, je vais peut être lancer un pavé dans la mare (derrière le bistrot, suivre les fientes du goéland) mais il faut bien reconnaître que dans ces tournois, on s’y emmerde fort et que l’on se sent triste de voir aussi peu de chaleur et d’imagination de la part des organisateurs. Evidement, on peut toujours me reprocher de mettre dans le même sac les grands et les petits, les super-bien organisés, les bordéliques, les bides, les grands succès, les sympas et accueillants, les décontractés ou les tristounets et les sans-âme… Et alors? Il faut bien reconnaître que la grande majorité ne laisse qu’un goût grisâtre et fade dans la bouche. On y vient (parfois à plusieurs) et on en repart (avec les mêmes) avec sa petite cargaison de souvenirs de parties heureuses ou malheureuses, de boosters grappillés sur le compte de compagnons de misère momentanément adversaires, de visages inconnus et/ou flous, de parties jouées table n° trop avec l’enthousiasme d’un mille bornes avec sa petite cousine un samedi après midi par temps de pluie… Et encore, sa petite cousine, on peut toujours la gifler si on perd.

La faute à qui ? A l’organisateur, évidemment !!!!!

Un organisateur de tournoi ne peut être qu’un fan de Magic. C'est-à-dire quelqu’un qui a de l’énergie à revendre, un enthousiasme à toute épreuve et un courage suffisamment fort pour encaisser problèmes et critiques quand les choses se passent mal. L’organisateur de tournoi est celui à qui l’on viendra jeter des pierres si l’emplacement de la salle de tournoi n’est pas fléché depuis le bas de chez soi, s’il n’y a pas assez de beurre dans les sandwichs, si la chaise de la table 27 est cassée, si la dure loi du stationnement moderne impose à tous (organisateurs et corps arbitral compris) de verser une « obole obligatoire » à la force publique, si l’imprimante se décide aujourd’hui et pas demain à faire un bourrage papier, si la dotation du tournoi navigue en colissimo dans la 6ème dimension, si les résultats ne sont pas uploadés deux jours après parce que Mr X est venu jouer incognito avec l’ex-nouveau-n° DCI de sa grand-mère décédée l’année dernière (syndrome corse) et même quand la Foudre fait péter le transfo de quartier et plonge les joueurs dans The Abyss… J’en passe et des meilleures… La plage de Dieppe ne suffirait pas à fournir assez de galets pour cette lapidation en règle. Il lui faut donc une peau particulièrement épaisse pour prendre avec modestie les éloges quand elles se présentent et les critiques avec philosophie le reste du temps. Universellement congratulé avant et pendant le tournoi, universellement abandonné après, l’organisateur est un animal (un de ces mammouths laineux de l'ère glaciaire ???) qui appartient à l’espèce des grands mammifères masochistes à sang chaud, le bénéfice étant nul et les honneurs éphémères, il n’a même pas une Bardot vieillissante à la mamelle attendrie et fripée pour se pencher sur son sort.

Malgré tout cela, on continue à trouver des souffres-douleur pour organiser des tournois. Pourquoi ? Passons sur les raisons traditionnelles de promotion du produit, de faire connaître Magic aux media, d’avoir une bonne excuse pour déserter le domicile conjugal (si, si, je suis dans l’humanitaire !!!) ou de permettre aux joueurs d’assouvir leur soif de sang… heu… de compétition pardon. Je préfère vous parler de cette chose éphémère et ventrue, tendre et chaude comme un petit verre de calvados entre amis, qu’est le contact humain. Dans cette meute de joueurs avides de matchs, de performances et de duels gagnés au soleil des flashs, on peut voir quelques connaissances vraies, des amitiés qui s’ébauchent et qui ne seraient jamais nées autrement. Les tournois sont aussi des prétextes à voir et à revoir ceux que l’on ne voit que là, d’y emmener les geeks qui ne sortent jamais de chez eux ou qui errent à jamais enfermés dans les labyrinthes de MWS.

Evidement, vu dans son ensemble, un tournoi ressemble à une monstrueuse foire d’empoigne. Cela commence souvent comme devant un magasin d’alimentation approvisionné en pleine période de plan quinquennal. Cela se poursuit par un étrange ballet de crabes post pubères se déplaçant de travers pour circuler entre des rangées de chaises avant qu’enfin la liturgie puisse se dérouler, simplement troublée par les appels déchirants de pathétisme à l’adresse du corps arbitral. Il convient d’y arborer un air connaisseur et décidé pour naviguer à vue entre celui qui vient pour montrer sa gueule, celui qui parle haut et fort, celui qui affiche un air de psychopathe pour se donner une contenance, celui qui arbore un sourire jaune comme une banane, celui Kiki (jiki) essaye de briser la glace…

Mon propos n’est pas de décrire l’événement mais plutôt de remarquer que parfois, il s’y passe aussi des choses étranges : des jeunes joueurs qui se parlent et se perçoivent moins cons l’un l’autre que s’ils avaient juste joués l’un contre l’autre. On y voit aussi la naissance de véritables communautés, qui se font, voyagent et se défont, de gens à qui il reste autre chose que Magic dans le crâne, qui ont des idées, et qui surtout les échangent. Et puis aussi des rencontres, et puis… le reste, finalement le plus banal : l’adrénaline, le plaisir de voir son jeu se mettre en place, l’enchaînement des victoires, les gens qui se groupent autour de votre table, une petite gloire de bout de cartons… enfin, tout ce genre de banalités que ressent un joueur de casino qui enchaîne les coups gagnants à la roulette à l’aide d’une martingale démoniaque.



Alors, organisateurs et joueurs : Qu’est ce qui fait un bon tournoi ?

Et bien il n’y a évidement pas de recette, mais s’il fallait énumérer un certain nombre de critères positifs en plus d’une organisation bien réglée mais où l’improvisation doit pouvoir s’exprimer, je dirais :

Faire des tournois dans des salles conçues et reconnues pour leur chaleur et leur convivialité et pas pour leur fonctionnalité et leur prix de revient, ou à défaut éviter au moins les aménagements salle de classe avec 2 posters aux murs et l’estrade au bout (au pire, baisser l’éclairage et mettre des bougies sur les tables).

Prévoir des endroits où, à tout moment, quelqu’un rencontrera quelqu’un. L’idéal est un grand bar, chaud, toujours ouvert, pas cher, où la bière est bonne, la serveuse gracieuse et aimable, les tables rondes et où on fiche la paix aux gens.



Parler de Magic le moins souvent possible, c’est la meilleure façon qu’il revienne naturellement dans la conversation sans la monopoliser.

Communautariser les moyens de locomotion, d’hébergement, la nourriture, voire même acquérir des cartes à plusieurs et les faire tourner.

Evitez de considérer les gens comme des débiles mentaux ou des enfants en bas âge.

Organiser des sides évents vraiment alternatifs : au lieu des sempiternels drafts en bloc et autres formats aussi exotiques que Paris plage, proposer plutôt l’élection de Mister Magic, un tournoi de baby foot, de pétanque, d’ultimate ou de foot si l’endroit le permet (je me souviens des matchs à l’ASIEM où les mecs pulvérisaient la balle pour se calmer les nerfs) un killer pendant le tournoi, un karaoké pour le Top8 avec le reste des joueurs comme public, un concours de lancer de cartes au mur, un atelier de réécriture de l’Oracle en vers, une fresque géante en collage de cartes, un défilé d’héroic-pas-fantasy comme au PTQ à Saint Etienne (NDLR : cf. MV Contest #4 : PTQ Saint Etienne pour les photos dudit défilé), des matchs d’impro avec les héros de Magic (la scène où Skwi apprend à Tahngarth qu’il est impuissant par exemple)… etc.

Se débrouiller pour qu’il y ait des ivrognes et des fumeurs, ça aide à décontracter l’atmosphère.

Prévoir un espace où l’on peut poser ses classeurs sur des tables, feuilleter ses collections, faire des échanges. En été, prévoir des chaises longues et une terrasse extérieure, une piscine.

Arriver plus tôt, faire du tourisme, goûter aux spécialités locales (gastronomiques, artistiques, voir charnelles). Si le tournoi dure deux jours, tirer au sort les chambres d’hôtel avec des compagnons de rencontre, sortir le soir (cf. Les spécialités…) au lieu de play-tester un deck pour la 12000e fois.

Faire des reports pleins d’anecdotes croustillantes et loufoques, avec des photos de la serveuse gracieuse et aimable, de Mister Magic en string, de la finale du baby, de la fresque géante, de la piscine, des joueurs qui se pêtent la ruche, et aussi du vainqueur du tournoi, du killer et du dernier aussi, ils le méritent tous.

Je conclurai en disant simplement :

Vive la vie, la joie et le plaisir. Si vos tournois sont vivants, vous ne manquerez pas d’attirer à Magic ceux qui ne le connaissent pas encore. Pour leur plus grand malheur !!!

Post Scriptum : Dans le même esprit, je vous invite à bien vouloir signer la pétition visant à faire passer le nombre des astronautes embarqués dans la navette de sept à huit. En effet, pour des raisons techniques absolument irrecevables la NASA s’est toujours opposée à cette mesure, empêchant ainsi ses équipages de disputer des tournois homologués en orbite. Inqualifiable, vous l’admettrez : www.Magic.everywhere.com