Donato Giancola
écrit par Kelly Mayjonade


      1. Biographie

Donato Giancola est né et a grandi à Colchester, dans le Vermont, banlieue de Burlington - la plus grande ville du Vermont avec environ 40 000 habitants. Burlington est une ville universitaire (avec l'Université du Vermont ou UVM, qui apporte 10 000 élèves à la population locale), mais elle ne comporte pas de musée d'art important ou une bonne salle d'exposition.

« Bien qu’il y ait eu des moments importants dans ma carrière professionnelle artistique, je ne peux pas dire exactement quand j'ai commencé à dessiner et peindre de manière vraiment sérieuse. Mon enfance est parsemée de souvenirs de montage de maquettes, de jouets, de dessins l'après-midi, de lecture de comics, de peinture de figurines de plomb, de création de cartes pour des jeux de rôle tel que Donjons&Dragons, de projets d'illustrations à l'école... la liste se poursuit, de même qu'augmente mon niveau de difficulté de dessin. Ma formation classique est venue tardivement. J'ai commencé à l'université à UVM par un cursus d'ingénierie électrique, mais ce n'est qu'en seconde année que j'ai arrêté dans cette voie, et que j'ai pris des cours de dessin. La même année j'ai réalisé ma première série de peintures à l'huile, et depuis les années ont passé à essayer d'y travailler correctement. »

Mais il s’est rendu compte que pour peindre sérieusement il lui fallait poursuivre sa formation dans une école plus stimulante avec des collègues plus compétitifs. Il est entré à l'université de Syracuse à l'automne 1989 pour suivre un cursus de Beaux-Arts. Tout compris, sa "carrière universitaire" prit six ans, mais elle porta ses fruits : il fait ce qu’il aime faire.

« Après avoir reçu mon diplôme en 1992, j'ai déménagé à New York pour être plus près du monde du dessin. Je cherchais du travail comme illustrateur de couverture, en me concentrant sur les domaines de la science-fiction et du fantastique. Ce fut un grand pas. Il me fallut plusieurs mois avant ma première commande, et la ville de New York n'est pas un endroit où vivre à bon marché. J'ai résisté à la tentation de faire un travail "normal", et je joignais à peine les deux bouts en travaillant à temps partiel à la Société des Illustrateurs et en empruntant de l'argent à mes parents (qui m'ont soupçonné d'être cinglé). J'occupais tout mon temps à réaliser des échantillons sous la conduite de mon agent, à visiter les musées, à examiner le travail d'autres illustrateurs, et à participer à des expositions. Je partageais un petit appartement avec deux autres dessinateurs en herbe, et chaque jour je peignais 8 à 10 heures. Le dur labeur finit par payer, avec des commandes pour les couvertures des livres classiques de science-fiction : La Machine à Remonter le Temps, de H.G. Wells, Un Yankee du Connecticut à la Cour du Roi Arthur, de Mark Twain, et Voyage au Centre de la Terre de Jules Verne. Depuis lors, j'ai trouvé du travail très régulier comme illustrateur de couverture indépendant. »


Time Machine

Journey to The Center of the Earth

C'est ici à New York (peu après son arrivée) qu’il a rencontré son épouse. Ils vivent à présent dans une maison en grès à Brooklyn avec leurs deux filles, à quelques minutes du centre de l'univers du dessin, Manhattan.


2. Donato Giancola et Wizards of the Coast

La première fois qu’il a entendu parler de Wizards of the Coast c’était en 1995 à une convention de comics. Le dessinateur de WotC, Bryon Wackwitz, lui a montré quelques cartes qu'il avait faites, et il a été impressionné du potentiel créatif dans les illustrations du jeu. Comme il montait toujours sa carrière d'illustrateur de couverture, il s'est passé un an avant qu’il envoie son portfolio à WotC. Après cela, au risque de paraître ambitieux, il a téléphoné à la directrice artistique, Sue Ann Harkey. « Sue Ann fut courtoise et m'a complimenté, et elle commanda tout de suite quatre dessins pour leur extension suivante, Mirage. J'étais enchanté d'une telle occasion. »

Il s’est fixé un niveau d'exigence élevé dans la qualité de dessin de ses cartes. Il a tout d’abord acheté quelques nouveaux livres sur différentes cultures africaines, et il a commencé à élaborer les styles et modèles de bijoux et vêtements de l'Afrique orientale, pour donner un bon aperçu culturel aux images que désirait WotC. « Je suis fier de ces premiers résultats de mon labeur, et je suis ému du succès qu'ils ont eu : Totem Grimaçant, Diamant de la mousse, Prison d’Ambre, Ancien du village.



Il produit maintenant un relativement petit nombre de cartes, environ 3-5 cartes Magic pour chaque extension, mais il en fait un si petit nombre intentionnellement, pour réaliser quelque chose dont il peut être fier. Il 'essaye de faire de chaque carte un portrait distinct. Comme beaucoup d'entre vous l'ont remarqué, il aime beaucoup peindre les mains, et les vieux visages ridés. « J'en glisse autant que je peux dans mon travail. Je crois qu'une main peut autant parler d'une personne que le visage. Par exemple, dans Ancien du village Anneau de Sisay, ou Ancêtre cordellien, j'ai essayé de fournir une profondeur à l'individu au-delà de l'illustration. »

Les dessins pour Magic lui ont permis d'atteindre un niveau de liberté artistique inaccessible dans les dessins de couverture. Il savoure la possibilité de créer une oeuvre sans avoir peur que des lettres aillent éclabousser sa partie préférée du dessin, et il relève le défi de créer des images assez fortes pour un cadre de 4 cm par 5 cm. Ces "petites peintures" représentent aussi un parfait mélange de son amour du réalisme et de graphiques abstraits. De plus, il y a peu de débouchés pour un dessinateur commercial, pour l'introduction de peuples et cultures non conventionnels dans les illustrations.

« Je suis très reconnaissant envers WotC et les joueurs de leur aide à la promotion et au respect du dessinateur comme partie intégrante du jeu. Je pense qu'il est merveilleux que les joueurs puissent rencontrer les dessinateurs qui ont peint leurs cartes préférées, voir les dessins originaux, et avoir un autographe sur leurs cartes. Quand j'étais plus jeune, je n'ai jamais eu l'occasion de rencontrer aucun dessinateur qui faisait les comics et couvertures des livres que j'aimais et j'admirais. Je me sens obligé de donner aux joueurs et lecteurs quelque chose qu'ils puissent chérir, ce qui m'a beaucoup manqué.


Russie, 2005

Signature, Russie en 2005

De plus, travailler pour WotC m'a apporté des occasions de voyager fantastiques. WotC m'a emmené au Portugal, en Italie, en Suisse et dans des villes diverses des E.U. pour rencontrer les joueurs, signer les cartes et présenter mes dessins. Je prends toujours du temps à la fin de ces voyages pour visiter les musées locaux. »


3. Analyse d’images de cartes



Golem d’acier fut inspiré par un masque de danse africaine auquel il a donné une apparence high-tech d'argent/acier. Il voulait transmettre une espèce d'au-delà au Golem, tout en le laissant être captivant, délicat et matériel. « Je pense que la recherche que j'ai faite a bien abouti à cet effet. »




Garante de la paix fut commandé à l'origine en tant que Paladin du Sud. Son uniforme à elle (oui, elle) a pour base un style africain. Il voulait évoquer le pouvoir et la grâce de l'individu (d'où l'utilisation d'une chemise blanche pour signifier à la fois l’ autorité et l’innocence). « WotC a tellement aimé la carte (et j'avais "posé" en arrière Cheval de foudre, sans y faire attention), qu'il a monté le dessin à une carte plus puissante, Garante de la paix. »

La dernière carte de cette série était le Grimoire de Thran, utilisée pour l'emballage. Une fois de plus il a fait un petit travail préliminaire en mettant une nature morte dans son studio avec un dictionnaire à la place du tome. Il a ajouté pas mal de dessin supplémentaire au sommet et au bas, au-delà des exigences de la carte, et beaucoup de gens ont fait des remarques positives sur l'impact visuel. « Un peu de travail supplémentaire a ici été bien payant. »

4. Techniques

Il commence une illustration, comme Prison d’Ambre, par une recherche préliminaire dans la culture, l'architecture, l'environnement ou la littérature selon les besoins ou suggestions de la commande. Cette phase préparatoire emplit son esprit d'images auxquelles il n'aurait pas pensées si il avait tout de suite commencé à faire les brouillons. Pour Prison d’Ambre, il a en fait acheté un vrai morceau d'ambre au Musée Américain d'Histoire Naturelle.


C'est seulement après sa recherche qu’il commence à faire des esquisses au crayon, brutes, abrégées, en essayant de trouver un arrangement et un éclairage qui répondent aux contraintes de l'illustration. La commande d'origine pour Prison d’Ambre demandait juste un morceau d'ambre, mais il ressentait que mettre un objet qui serve d'échelle rendrait l'illustration plus intéressante, alors il a introduit une main. A partir des premiers brouillons, il a fait des dessins trois fois plus grands et descriptifs, qu’il a envoyé au directeur artistique pour approbation. « Le dessin est le fondement de la plupart de mon processus créatif, et c'est à ce stade que je fais le plus d'expérimentation. »

Après qu'un brouillon ait été approuvé, il acquiert les accessoires (par exemple, la véritable ambre), des photos de référence secondaires de magazines et de livres (par exemple des images de bracelets pour la main et les robes de la femme piégée), et des photos principales de référence qu’il prend soi-même (par exemple, un modèle de main qui tient une pierre à la place de l'ambre). Tous ces éléments sont intégrés en un dessin final à la même échelle que l'éventuelle peinture. IL fait ensuite une photocopie du dessin sur du papier 100% coton et il l'installe sur un panneau masonite. « Je préfère utiliser le masonite plutôt que la toile car c'est plus rigide et ça n'a pas toutes les bosses du tissage. »


Enfin il commence à peindre à l'huile avec un vernis sur la copie du dessin, en adaptant la couleur de peinture pour unifier tous les éléments de référence qu’il a acquis. Pour compléter le tableau, il fait des observations in vivo - comme regarder les rayons de lumière qui rebondissent sur l'ambre et qui éclairent la peau par derrière - pour créer des petits détails qui permettent de donner un bon niveau d'illusion.

5. Témoignage d'un client

L'idée pour cette peinture m'est venue lorsque j'ai conté une histoire à mes enfants pour qu'ils puissent s'endormir. C’était l’histoire d’aventuriers qui fouillaient une caverne antique à la recherche d’un trésor perdu. Le fameux trésor était caché dans une chambre souterraine et gardé par un démon de feu. Pour pouvoir y accéder, il fallait traverser un pont entièrement recouvert de glace. Quand je suis arrivé à la partie où la créature a commencé à chasser les aventuriers, mes gosses étaient tellement effrayés qu’ils ont hurlé de terreur. Je me suis fait engueulé par ma bonne femme, et j’ai du rester dans la chambre jusqu’à ce que mes enfants se calment et finissent par s’endormir. Dès lors, cet incident est devenu une sorte de plaisanterie à la maison, et mes histoires sont maintenant précédées d’un avertissement pour ne pas faire crier n’importe qui.



Quand j’ai commandé cette toile, je savais qu’elle devait être assez grande pour s’adapter au fond dramatique, au grand monstre, et aux héros, sans être trop compacte. C’était une toile de 91 cm sur 177 cm dont j’avais besoin pour pouvoir contenir tous ces éléments. Heureusement, j’avais un grand mur dans ma bibliothèque pour pouvoir l’accrocher. La commande du tableau s’est passée sans problème, et Donato a dessiné et peint la toile très rapidement.



Donato m’a tout d’abord envoyé plusieurs esquisses qui m’ont fourni quelques choix quant à la technique à utiliser pour peindre le tableau. Après lui avoir fait quelques suggestions, il a détaillé sur un croquis sa vision même de la peinture. J’ai essayé de ne pas trop lui dicter ce qu’il devait peindre car je voulais profiter pleinement de ses talents de créateur et de dessinateur. Finalement, cette liberté a porté ses fruits car l’artiste a réussi à produire une peinture qui a capturé l’essence même de ce que j’avais imaginé bien mieux que je l’avais imaginé réellement.

6. Son travail en général

Les peintures des cartes Magic, ne représentent qu'une partie de sa carrière d'illustrateur. Il continue à travailler beaucoup pour l'industrie du livre de science-fiction. Il a également fait sur commande des dessins pour : Lucas Arts, DC Comics, Microsoft, Sony, Hasbro, National Geographic, PlayBoy Magazine…


Lancelot & Guenièvre

Construct of Time

Dragon Shivan

Spectre du jugement dernier

Patron des sorciers

Dwar of Waw : One …

« Je suis presque tout le temps en train de peindre. C'est mon premier amour et celui qui m'occupe le plus (mes excuses à mon épouse). Dans mon temps libre, je travaille surtout sur des dessins non commandés liés à la science et aux scientifiques du passé et du présent. Quand je ne dessine pas, j'aime jouer au football et à Magic, et aux jeux de rôle avec mes amis. Ma nouvelle maison m'occupe beaucoup, et j'aime faire des choses et les rendre uniques. A New York il y a toujours des merveilleuses manifestations culturelles auxquelles participer, et nous allons souvent au musée, à des événements musicaux, et au théâtre. »


Ebon Dragon

KotOR : The Site Lords

Sacred Knight

High rises

Inheritors of Heart

The Lord of the Ring

The Ruling Ring

Ses 5 dernières œuvres, concernant Magic : Ravnica, la Cité des Guildes




7. Commentaire personnel, Bibliographie et Remerciements

Je tiens à dire que Donato Giancola est l’un de mes artistes préféré car il a réussi à établir un équilibre entre ce qui est abstrait et réaliste dans ses peintures. En effet, son respect pour les vieux maîtres nous montre son magnifique talent de dessinateur et son excellent coup de pinceau. D’autant qu’il reconnaît le rôle significatif culturel joué par les arts visuels (fin-art) et effectue des efforts personnels pour contribuer à l’expansion et à l’appréciation de la SF et du fantastique au-delà de ce qui est purement commercial. Son travail est imaginatif, coloré, subtil et toujours admirablement exécuté.

Une liste complète de son travail, techniques, et informations biographiques détaillées sont disponibles sur son site web : www.donatoart.com


Traduit d'après une interview de Wizards of the Coast datant du 23 août 1998, plus des éléments pris dans quelques articles, présents sur le site de l’auteur, avec son aimable autorisation. Je tiens également à remercier Quaker, qui m’a gentillement aidé pour la traduction.

- Témoignage client
- Interview de Donato par Wotc