Le Quality Advantage
« Les deux secrets d'un succès: la qualité et la création. »


      
Avant-propos : pour bien comprendre ce qui va être dit dans cet article, il préférable d’avoir lu les articles sur le Card Advantage et sur le Tempo publiés durant le mv contest #17.



1. Introduction :


Le Quality Advantage (Q.A.), comme on l’appelle par abus de langage, n’est pas un concept mathématique comme le Card Advantage car il n’est pas dénombrable. En effet, le Q.A. est un avantage par rapport à une situation précédente et non pas un avantage quantifiable par rapport à l’adversaire. Vous n’entendrez donc jamais dire : « Avec ce sort, je gagne +4 en Q.A. », car ça ne correspondrait à rien au niveau du jeu.

Pour faire simple, générer du Quality Advantage c'est ce qui va vous permettre d'avoir la bonne carte au bon moment ou au moins d' « augmenter la probabilité d'avoir la meilleure carte possible au moment voulu » et donc du coup d'améliorer la qualité des cartes de votre main 1. Avec une telle définition, on comprend bien pourquoi le Q.A. est une notion empirique 2 et non pas mathématique, une même carte pouvant être tour à tour très utile ou parfaitement injouable.

« On ne peut pas définir la qualité, on la reconnaît quand on la voit. » Mintzberg, Henry.




2. Notion de qualité de carte :


De ce fait, avant de pouvoir parler de Quality Advantage, il convient tout d’abord de définir ce qu’on entend par « qualité de carte », histoire de savoir justement quand on gagne ou perd en qualité.
Je classe les cartes par ordre d’utilité croissante allant de la carte morte (voir la définition d’une carte morte dans l‘article sur le C.A.) à la « silver bullet » :
La carte inutile ou injouable pour tout le restant de la partie (ex : Fetch Land quand on est à 1 pv sans moyen d’en regagner)
La carte inutile ou injouable dans la situation présente (ex : Sceptre isochronique sans carte imprimable en main.)
La carte utile ou jouable dans la situation présente (ex : Jouer Aigrefin de la rue d'étain quand on a pas de mana vert ou quand l’adversaire n’a pas d’artefact c’est toujours mieux que rien, mais ça fait pas le café.)
Le spoiler, j’appelle spoiler toute carte qui permet de prendre un avantage, C.A. ou T.A. peu importe, sur l’adversaire à un moment donné.
La silver bullet (balle en argent en anglais dans le texte) est la carte la mieux adaptée à la situation puisqu’elle fait gagner la partie quand elle est jouée. Les silver bullets sont des cartes qui ont pour effet de faire perdre certains decks précis (référence aux balles en argent censées tuer les loups-garous). Ex : Kataki, tribut de la guerre est une silver bullet pour Ravager en étendu. On comprend donc bien le côté relatif de cette définition puisque Kataki sera tour à tour une silver bullet ou une carte à peine jouable voire morte selon le deck de l’adversaire.

Ce qui fait la qualité d’une carte, on s’en serait douté, c’est donc son utilité. Pour générer du Quality Advantage on va donc essayer de piocher un maximum de cartes utiles, de trouver une utilité aux cartes qui n’en ont pas et enfin d’empêcher l’adversaire de faire de même.

« Quand vous recherchez la perfection, vous découvrez que c'est une cible mouvante. » Fisher, George




3. Mécanismes pour créer du Q.A. :


Si vous avez bien lu l'article de Toad sur le Tempo vous devriez normalement vous rappeler que la différence essentielle entre le C.A. et le Q.A. c'est que « les cartes en main augmentent le Card Advantage », alors que « les étapes de pioche augmentent la qualité des cartes en main ». Autrement dit, le fait de voir et de ranger un certain nombre de cartes au dessus de sa bibliothèque génère du Q.A. alors que piocher ces mêmes cartes génère du C.A. Je ne reviendrais pas plus sur ce qui a été dit et bien dit dans cet article, par contre je vous propose de faire un tour d'horizon des moyens d'améliorer la qualité de ses cartes, c'est-à-dire de faire du Q.A.

« La qualité n'est jamais un accident ; c'est toujours le résultat d'un effort intelligent. » John Ruskin


Les mécanismes pour créer du Q.A. sont au moins aussi nombreux et surtout beaucoup plus complexe que ceux visant à créer du C.A. Et surtout il est difficile de justifier de la création de Q.A. pour chacun d’eux car là encore, ce n’est pas un concept mathématique. Il est aussi impossible de démontrer que la liste des mécanismes de Q.A. est exhaustive comme c’était le cas dans l’article sur le C.A.

Néanmoins on dénombre 4 grands mécanismes de jeu qui génèrent du Q.A. :


3.1. Manipulation de la bibliothèque :


Tout d’abord les manipulateurs de bibliothèques, quand on pense aux cartes qui génèrent du Q.A. ce sont eux qui viennent en premier à l’esprit.




Le premier jeu à utiliser des Toupie de divination du sensei était le deck Tooth 'N' Nail qui les utilisait pour obtenir au plus tôt les trois terrains d’Urza et un Dent et ongle.

Tooth 'N' Nail par Dunkelzahn
23 Terrains
9 Forêt
4 Mine d'Urza
4 Centrale énergétique d'Urza
4 Tour d'Urza
1 Marais
1 Okina, Temple des ancêtres
13 Créatures
4 Ancêtre de la tribu Sakura
4 Témoin éternel
2 Shamane viridiane
1 Triskèle
1 Vampire de Mephidross
1 Colosse de sombracier
24 Autres Sorts
3 Toupie de divination du sensei
3 Oxydation
4 Regard sylvestre
3 Pierre de l'oubli
3 Fenaison et semence
2 Extraction crânienne
1 Eveil brusque
2 Esclavagiste d'âmes
3 Dent et ongle
Cartes de la réserve
1 Boseiju, celui qui abrite tout
2 Shamane viridiane
1 Kiki-jiki, brise-miroir
1 Répliquant
1 Titan morceleur
1 Oxydation
3 Décomposition résonnante
3 Creuset des mondes
2 Extraction crânienne
60 cartes dont 21 différentes


Ces manipulateurs de bibliothèque sont souvent utilisés en combinaison avec des mélangeurs comme les Fetch Lands, Ancêtre de la tribu Sakura, etc. pour maximiser le nombre d’étape de pioche et donc la qualité des cartes en main.

Voici un dernier exemple bien connu pour fixer les idées : Si vous avez deux cartes mortes en main et que vous jouez Remue-méninges. Vous allez piocher 3 cartes « utiles », remettre ces deux cartes mortes au sommet de votre bibliothèque et craquer votre Fetch Land pour renvoyer ces deux cartes dans les profondeurs de votre bibliothèque dans l’espoir de ne plus les revoir avant longtemps. Résultat ? Vous avez exactement le même nombre de cartes en main, seulement au passage, vous avez pu voir 5 cartes et garder les 3 meilleures parmi celle-ci : vous venez de créer du Q.A.
Cette petite combinaison n'a peut être pas l'air terrible mais c'est notamment grâce à elle que remue-méninges est souvent considéré comme l'ancestral recall du pauvre.


3.2. Les tuteurs :


Les tuteurs ne génèrent pas de C.A., pour la plupart ils échangent seulement une carte en main contre une autre avec certaines limitations. Le terme « tuteur » vient bien sûr de la série des Vampiric Tutor, Mystical Tutor, etc. mais peut s’appliquer à bien d’autres cartes :



Voici quelques tuteurs assez représentatifs de leurs couleurs respectives et des mécanismes existants.
Les tuteurs peuvent être joués pour augmenter la probabilité de piocher une carte, (3 Fait ou fiction et 3 Souhait rusé MD et 1 Fait ou fiction SD et le deck contient virtuellement 6 Fait ou fiction) mais la plupart du temps les cibles ne sont jouées qu’en un seul exemplaire.


3.2.1. La Tool Box :

On appelle Tool Box (boîte à outils) l’ensemble des cibles potentielles, souvent jouées en un seul exemplaire, d’un tuteur qu’on ne va chercher que lorsque c’est nécessaire. Les tuteurs n’ont d’utilité qu’en association avec une Tool Box, en effet une Préceptrice éclairée dans un jeu sans enchantement ni artefact est une carte morte. C’est le nombre et la variété des cibles qui fait l’intérêt d’une Tool Box : une bonne boite à outils doit comprendre une solution à chaque problème.
Par exemple les weenies qui jouaient préceptrice éclairée avant la rotation de l’étendu avaient pour habitude de jouer une Adoration contre aggro, un Parchemin maudit contre contrôle et une Autorité de la loi contre combo en plus des indispensables Sceau de nettoiement, Sceau d'enlèvement et autres solutions génériques, etc.

WWu aggro/control [T1.X] weenie's deck v2.2 par quaker
18 Terrains
5 Plaine
4 Landes d'Adarkar
4 Grève inondée
2 Lande venteuse
1 Île
1 Ancienne tanière
1 Siège du Synode
26 Créatures
3 Sergent ramosien
2 Lions des savanes
1 Isamaru, chien de Konda
4 Lanceur de bolas
4 Ingérence du mage
3 Adepte convaincu
3 Chevalier argenté
2 Samouraï du Rideau pâle
2 Prêtre soltari
2 Ange exalté
16 Autres Sorts
3 Préceptrice éclairée
3 Fiole d'AEther
2 Remue-méninges
1 Scinde-os
1 Parchemin maudit
1 Sceau d'enlèvement
1 Immobilisation
1 Sceau de nettoiement
1 Épée d'Eau et de Feu
1 Autorité de la loi
1 Adoration
Cartes de la réserve
2 Voleur de Souchemer
2 Sceau d'enlèvement
4 Asphyxie
2 Sceau de nettoiement
1 Croisade
1 Loi suprême
1 Reflux d'énergie
1 Laboratoire ésotérique
1 Sphère de la Loi
60 cartes dont 28 différentes


Les tuteurs ne sont pas pour autant une solution miracle pour tous les decks. En effet, non content de nuire gravement au tempo et parfois au C.A., les tuteurs et leurs Tool Box trop bien garnies ont tendance à avoir un effet assez négatif sur les mains de départ.
Je continue avec l’exemple du weenie ; si vous jouez contre un jeu contrôle et que vous vous retrouvez avec une autorité de la loi et une adoration en main de départ par exemple, sans le savoir vous partez déjà avec deux cartes mortes.
Il est aussi important de se rendre compte qu’il sera toujours préférable de piocher une carte solution directement que de piocher le tuteur qui permettra d’aller la chercher et enfin que « trop de tuteur tue le tuteur », car on finit par ne piocher plus que ça et perdre parce qu'on n'a finalement pas eu le temps d'aller jouer les solutions qu'on a été chercher.
Alors, certes une Tool Box ralentit un peu le jeu mais c’est le prix à payer pour la très grande flexibilité qu’elle procure, à vous de trouver le bon compromis.


3.3. Epuration de la bibliothèque :


Les terrains bien qu’indispensables en début de partie finissent par devenir un frein pour beaucoup de jeux en late-game, c’est pourquoi de nombreux joueurs ont pris l’habitude de jouer des épurateurs de bibliothèque tels que les fetchlands même lorsqu’ils jouent des decks mono colore. On crée donc du Q.A. en retirant de la bibliothèque des cartes qui seraient considérées comme mortes si elles devaient arriver en main puisqu’on a moins de chance d’en piocher d’où une amélioration virtuelle de la qualité des cartes contenues dans la bibliothèque.


3.4. Les contres et la défausse :


Les contres et les cartes de défausse permettent de créer un avantage au niveau de la qualité relative des cartes en créant un désavantage chez l’adversaire. En effet, une Contrainte ne génère pas du T.A. mais du Q.A., on troque une carte contre la meilleure carte de la main de l'adversaire, du coup on gagne en qualité relative. De la même façon, en contrant les cartes clefs de l’adversaire on le prive de ses meilleures cartes.



Les cartes de défausse et de contre sont particulièrement utiles contre les jeux combos qui reposent essentiellement sur le Q.A.

Du coup, en prenant en compte ces cartes de défausse et de contre, on comprend bien que générer du Q.A. « pour soi-même » en piochant des bonnes cartes n’est pas suffisant, il faut aussi s’assurer que l‘adversaire n’aura pas les moyens de les contrer ou de les défausser.


3.5. Les cartes mortes :


Toutes les techniques exposées pour générer des cartes mortes dans la main de l’adversaire dans l‘article sur le C.A., qui consistent toutes à rendre ses pioches non significatives (garder son adversaire en dessous du nombre de manas qui lui est nécessaire pour opérer correctement, etc.) sont aussi valables pour générer du Q.A.


Remarques :
Quand on pioche plus de cartes que sa main ne peut en contenir (7), on fait du Q.A. et plus du C.A. puisqu’on choisit parmi toutes les cartes piochées lesquelles on garde pendant l’étape de nettoyage.
Le dredge génère du Q.A. ; on échange une carte au hasard dans sa bibliothèque, la carte qui aurait dû être piochée ce tour, contre une carte utile du cimetière.
Certaines cartes comme La Genèse jouent un rôle ambigu quant au Q.A. puisqu’elles génèrent du C.A. tout en laissant un certain choix quant aux cartes piochées.




4. L'intérêt du Q.A. par rapport au C.A. :


L’intérêt du Quality Advantage n’est pas très difficile à saisir. Si on joue une deuxième Connaissance accumulée, on fait C.A.+1. Par contre, on peut très bien piocher 2 cartes mortes. Avec Impulsion, on fait du Q.A. et non pas du C.A. Sur 4 cartes, on ne garde que la meilleure, en filtrant les mauvaises. Pour un coût en mana identique, certains jeux préfèrent piocher 2 cartes alors que d'autres préfèreront jouer Impulse.



Si vous jouez avec un UW Control contre un jeu combo sans créature et que le haut de votre bibliothèque ressemble à ça :
Colère de Dieu
Grève inondée
Contresort
Île
On comprend tout de suite quel peut être l’intérêt de jouer des cartes comme Impulsion ou Remue-méninges plutôt que des piocheurs tel que Connaissance accumulée. D’où le dilemme entre qualité et quantité.

« La qualité, c'est de la quantité assimilée. » Léon-Paul Fargue




5. Conclusion : dans quel cas doit-on privilégier la qualité des cartes par rapport à leur quantité?


Je répondrais à cette question en citant un passage de l'article de Toad:
« On privilégie la qualité des cartes à la quantité, en cherchant à multiplier le nombre d'étapes de pioche que l'on peut obtenir, parce que cette étape de pioche peut nous révéler des cartes telles que Ancestral Recall, Tinker ou même Yawgmoth's Will. Dépenser 7 manas pour lancer Intuition, Accumulated Knowledge et Accumulated Knowledge est moins bon que de dépenser seulement 4 manas pour lancer Thirst for Knowledge puis Brainstorm, même si dans le premier cas on réalise du Card Advantage. En effet, dans la seconde situation, on aura vu le même nombre de cartes, sauf qu'on aura également sauvé du mana pour jouer ses cartes, les convertir en d'autres ressources bien plus utiles que de simples cartes en main. »

Du coup il est souvent plus intéressant de gagner en qualité de cartes qu'en nombre de cartes, mais encore faut il que votre deck comporte d'assez bonnes cartes, comme Yawgmoth's Will ou Tinker dans l’exemple, pour remporter la partie avec ces seules cartes. Les cartes de break étant plus rares en limité, on préfèrera la plupart du temps piocher plus, que piocher mieux, les cartes étant toutes de qualité et donc d’utilité relativement équivalente. De même dans les formats lents on préfèrera faire du C.A., toujours plus coûteux, que du Q.A car les parties étant longues, on a beaucoup de mana disponible, alors autant mettre toutes les chances de son côté en piochant plus que l'adversaire, même si ça doit ralentir.

L’autre raison qui peut vous inciter à faire du Q.A. plutôt que du C.A., c’est de jouer combo. En effet, un jeu combo va en premier lieu essayer de faire le maximum de Q.A. (Toupie de divination du sensei dans Tooth 'N' Nail, Parchemin du marchand dans Mind’s Desire, etc.) pour avoir sa combo en main le plus rapidement possible. C'est pour ça qu'ils jouent plus de tuteurs que de piocheurs car une fois qu'ils ont leur combo en main, la partie est gagnée alors peu importe d’avoir beaucoup de cartes, l’objectif, c’est d’avoir les bonnes.

Et rappelez-vous: « On se souvient de la qualité bien plus longtemps que du prix. » Gucci. ;)




NdlA - 1 : Non Klaw, pas en les astiquant, non... *soupirs*

NdPetitLarousse - 2 : adj. (gr. empeirikos). Qui ne s’appuie que sur l’expérience, l’observation.