Les Guerriers de Kamigawa
Chapitre II : Le recueil de Toshiro Umezawa
écrit par Sylvain Ferran


      



La forêt était dense, trop peut être, car se faufiler entre les branches d’arbres centenaires ce n’est déjà pas facile mai avec sa blessure Toshiro souffrait à chaque enjambement de branches. Plus il s’enfonçait dans la forêt plus le voyage devenait périlleux, cependant le ronin en vint à une conclusion, il ne s’était pas enfoncé dans un simple petit bosquet mais bel et bien dans la grande forêt d’Okina. Le jeune Umezawa continuait désespérément à avancer droit devant se servant de Tatsumasa, le sabre légendaire de la lignée Umezawa, comme d’une canne pour poursuivre son chemin. La fièvre commençait à le gagner, son front suant le brûlait et sa vue qui était déjà floue depuis un moment commençait à s’éteindre peut à peut, il décida de faire une halte au pied d’un chêne imposant pour reprendre ses esprits. Une fois assis il en profita pour se débarrasser de la boue qui s’était agglutinée sur sa blessure de guerre, sans doute une sorte d’insecte de cette maudite forêt attiré par l’odeur du sang frais se disait-il, mais son verdict fut bien moins optimiste lorsqu’il commença à se débarrasser de cet amas noirâtre à l’aide des crocs du dragon. Ce n’était ni de la boue ni des insectes mais sa chair et son sang en pleine putréfaction, une gangrène s’était installée sur cette blessure béante. Le ronin le savait, ses jours étaient comptés, peut-être n’avait-il probablement que quelque heures devant lui tellement la chair avait pourri et la maladie progressé. Toshiro était un samouraï, ne vivant que pour et par le code du bushido et son maître, son seigneur étant mort il était devenu ronin mais même si la mort le guettait il se refusait de l’attendre patiemment au pied de son arbre.

Il banda sa blessure, se leva et repris son voyage, mais au moment de reprendre sa route, il regarda autour de lui, il lui était impossible de savoir d’où il était venu. La forêt était présente de toutes parts, aucune branche cassée sur quoi se fier pas de trace de pas tellement le sol était meuble et se refermait immédiatement sur les empreintes. En regardant plus attentivement il vit une écorchure sur un arbre, cette écorchure n’allait pas durer car elle se refermait à vu d’œil, l’arbre était en train de régénérer son écorce. Une telle marque, si profonde et si nette, ne pouvait avoir été causée que par les crocs du dragon lors de son passage sur cette branche, il fit donc demi-tour par rapport a cet arbre et continua son chemin. Sa pause lui avait fait plus de mal que de bien, ses jambes commençaient à trembler et sa blessure le lançait encore plus, mais à l’instant même où il s’apprêtait à enjamber une nouvelle racine, un cri retentit dans toute la forêt. En l’écoutant le ronin en fut persuadé, ce n’était pas celui d’une bête mais celui d’un homme, un homme apeuré. Aussitôt son honneur de samouraï lui fit partir dans la direction d’où venait ce cri, il arriva dans une clairière. Au milieu de cette clairière il y avait deux prêtres budoka d’Okina complètement paralysés par la peur car quelques mètres devant eux un troisième prêtre était allongé au sol avec un sabre planté dans le buste et au bout de se sabre se tenait un bushi de Konda.

Maintenant réponds moi, où est-ce que vous cachez ces traîtres de Shinka ? commença à dire le bushi.

Je… ne… vois… pas de… quoi tu parles… samouraï, arriva à dire le prêtre en serrant les dents.

Les deux autres prêtres, paralysés par la situation ne pouvaient pas bouger et en voyant qu’il lui restait encore deux autres personnes à questionner le bushi dit :

Bien je vais donc en finir avec toi et passer tes deux compagnons à la question !

Pour en finir avec ce prêtre le bushi voulut retirer son sabre et laisser l’hémorragie faire son œuvre, mais à l’instant même où il allait retirer son sabre le budoka le saisit et contracta tous ses muscles pour retenir l’arme et dit :

Tu oublies que si nous avons survécu jusque là c’est que nous sommes nous aussi des guerriers, ton arme n’ira pas plus loin chien de Konda !

Guerrier ? Ne me fais pas rire ! Tu peux garder ce sabre je n’en aurai pas besoin pour faire parler tes compères, mais à ton avis que se passera t-il si au lieu de vouloir retirer mon sabre je le fait tourner ?

Une lueur de stupeur apparut dans le yeux du budoka et le bushi fit tourner son sabre réduisant ainsi sa cage thoracique en bouilli et retira son sabre.

Vraiment tu n’avais rien d’un guerrier !

A la vue de cette scène Toshiro empoigna son sabre et fonça sur le bushi pour lui faire payer son arrogance, mais a peine arrivé à portée de sabre une déferlante de mana blanc fondit sur le soldat de Konda. Le ronin aveuglé par cette lumière recula et lorsqu’il ouvrit les yeux il vit une gigantesque colonne de mana blanc venant du ciel et touchant le sol. Lorsque cette colonne disparut il n’y avait plus de soldat mais à la place un samouraï en armure. Le jeune Umezawa étonné observa son adversaire avant de l’attaquer et le bushi contempla son nouvel aspect et dit :

Enfin… enfin les dieux m’ont accordé leur sagesse, à moi la puissance, à moi la force, puis se tournant vers Toshiro il dit, tu dois être un de ces chiens de Kumano, un soldat de bas étage, alors viens te battre je t’attends, viens faire face à Kenzo l’impitoyable !

Tu devrais changer de nom, répondit Toshiro, tu n’es pas digne de porter le titre de samouraï, pitoyable Kenzo !

Toshiro releva la tête, ses yeux reflétaient une agressivité hors du commun, surtout pour un guerrier blessé. En un instant Toshiro se mit en position de combat avec son sabre et en une fraction de seconde passa d’une distance de à peu près cinq mètres devant Kenzo à une distance de à peu près six mètres derrière le samouraï.

Ume… Umezawa… et Tatsumasa… décidément ce n’est pas… mon jour de chance, Kenzo s’agenouilla au sol, sa tête tomba et avant même qu’elle ne touche le sol se sépara en trois morceaux.

Toshiro, exténué par sa blessure et par l’utilisation d’une technique au sabre réservée aux plus expérimentés, tomba sur le sol de la clairière et n’ayant même plus assez de force pour rester éveillé, s’endormit.





A son réveil, le ronin se retrouva dans un lit au coin d’une petite chambre. Sa blessure avait été soignée, son sabre se trouvait au pied de son lit, de nouveaux vêtements et de la nourriture étaient disposés sur une table. Il enfila le kimono laissé à son intention et, tout en restant méfiant, hésita à se nourrir de peur que cette restauration soit sa dernière cependant en réfléchissant il n’avait rien à perdre à se nourrir puisqu’il avait déjà tout perdu à la bataille de Shizo. Au même moment la porte s’ouvrit, Toshiro se jeta sur son sabre, l’empoigna et se prépara à être attaqué jusqu’à ce qu’il vut que la personne entrée était un moine.

N’aies crainte samouraï, nous ne te voulons aucun mal. Tu as sauvé deux des nôtres nous te sommes redevables, nous t’avons laissé ton arme mais tu n’en auras pas besoin ici nous sommes pacifiques.

Où suis-je ? demanda le ronin sur un ton sec.

Dans un petit temple pas très loin de notre Honden, la toile de vie.

Est-ce la demeure d'Isao ?

Non samouraï, maître Isao est à Okina.

Dans la forêt ? demanda Toshiro avec étonnement.

A Okina, le temple des ancêtres, c’est vous qui avez nommé cette forêt la forêt d’Okina mais Okina est en réalité un temple au cœur de cette forêt, c’est la demeure de maître Isao.

Depuis combien de temps suis-je ici et combien êtes vous ?

Tu as dormi quatre jours samouraï, cela va faire cinq jours que nous t’avons accueilli et nous sommes quatre-vingt dix huit avec la mort de notre confrère.

Le seigneur Isao est-il au courant de ma présence ?

Non samouraï, nous n’avons le droit de sortir du temple que pour aller prier à l’Honden.

Vous êtes prisonniers ?

Nous avons choisi de vivre comme cela.




Toshiro commença à manger, d’autres moines arrivèrent pour changer ses bandages et à leur grande surprise sa blessure était déjà quasiment cicatrisée. Deux jours passèrent et Toshiro était complètement rétabli. La journée il s’occupait à s’entraîner et parfaire son art et le soir il parlait avec les moines pour parfaire son esprit. Un soir en rentrant dans ses appartements le ronin croisa six moines qui l’interpellèrent :

Nous connaissons votre situation samouraï, nous connaissons votre jeu, si vous ne voulez pas mourir ici partez dès demain.

Je ne vois pas ce que vous insinuez, mais faites attention si on m’attaque je n’aurai aucun remords a tuer pour me défendre, que se soit clair, les moines partirent et Toshiro alla se coucher.

N’arrivant pas à trouver le sommeil Toshiro se leva et sortit de sa chambre, en se promenant dans les couloirs il croisa quelques prêtres et en regardant les fresques murales il vit qu’elles parlaient toutes du même sujet, un démon, un sort puissant, un prisonnier, une vie de martyre… Il continua de marcher et arriva en dehors du temple, il suivit le chemin jusqu’à arriver au pied d’un honden. Un moine vint l’accueillir :

Bonsoir samouraï, vous venez pour prier ?

Non, je ne faisais que passer, lui répondit Toshiro, mais j’avais une question, quelle est l’histoire de ce temple ? J’ai vu à l’intérieur des fresques représentant toujours la même histoire.

Le prêtre commença à pâlir puis il lui répondit :

Il n’est pas bon de remuer le passé, nous avons accepté ce karma, cette souffrance est la nôtre pas la vôtre.

Quel est ce lieu de prière ?

C’est le honden de la toile de vie, nous prions le myojin pour qu’il nous aide à porter notre fardeau. Vous aussi vous devez avoir ce genre de temple ?

Oui mais notre maître Kumano nous a appris à ne plus poser notre confiance aux esprits.

Vous avez tort, ils peuvent vous aidez à porter votre fardeau, tout comme il nous aide.

Mais de quel fardeau parlez-vous ?

Il est tard samouraï vous feriez mieux d’aller vous reposer !

Restant sur des questions sans réponses ou sur des réponses sans grand intérêt, la fatigue atteint Toshiro il décida alors de rejoindre ses quartiers, sur le chemin de retour il recroisa les prêtres qui l’avaient pris à part en début de soirée mais cette fois ils ne firent pas attention à lui. Une fois arrivé dans sa chambre il s’enferma, se coucha et finalement s’endormit.


Au prochain chapitre, La perversion de Toshiro Umezawa